Voici la méthode employée par Girolamo Cardano et son élève, Ludovico Ferrari, avec une notation contemporaine, pour résoudre des équations du troisième degré[1]. En partant de la forme la plus générale
on divise par a de chaque côté afin d’obtenir
On effectue ensuite le changement de variable suivant
ce qui fait
En développant les cube et carré
puis en distribuant
et enfin en regroupant les termes semblables
Comme on a définit x en termes de y et α, il nous est possible de poser
et de trouver la valeur de α qui ferait en sorte que le terme en y2 s’annule. On obtient donc
En remplaçant α par cette expression, on a
ce qui fait
Cette forme de l’équation cubique est appelée forme réduite de l’équation
avec
On procède par la suite à un deuxième changement de variable
ce qui fait
En développant on obtient
En réarrangeant les termes et en effectuant une mise en évidence simple on obtient
Comme on a exprimé y avec les deux variables u et v, on peut librement les choisir de telle sorte que
Cela a pour effet d’éliminer le terme en (u + v) dans
afin d’obtenir
De
on tire
puis en élevant au cube
Enfin, comme
cette équation
devient
ou de façon équivalente
On connait donc la somme
et le produit
de deux nombres. En isolant v3 dans la dernière équation on obtient
puis en substituant dans l’équation de la somme
En multipliant à gauche et à droite par u3
on obtient une équation du deuxième degré en u3
La formule quadratique nous donne pour valeur de u3
ce qui fait après mise en évidence de 4 sous la racine
et donc
En utilisant la racine carré positive, on obtient
Or comme,
on a
c’est-à-direet donc
Enfin, comme
on a
Ici, u3 et v3 possèdent chacun 3 racines cubiques. Cela fait donc un total de 9 combinaisons possibles. Or, l’équation initiale ne possède que 3 solutions (distinctes ou non). Il faut donc s’affairer à choisir et pairer correctement les bonnes racines. Si
alors les racines cubiques seront réelles et bien définies. On obtient ainsi la solution réelle de l’équation. Et comme
c’est-à-dire que le produit uv est réel, on multiplie l’une et l’autre des racines précédentes par les racines cubiques complexes de l’unité
et
Si u0 et v0 sont les racines cubiques réelles, alors les solutions complexes seront données par
et
Si au contraire,
alors les racines cubiques de u3 et v3 sont complexes. Comme u et v sont interchangeables, on choisit donc arbitrairement une des racines cubiques de u3 et on sélectionne la bonne racine correspondante de v3 en utilisant le fait que
c’est-à-dire que notamment
Finalement, pour retrouver les solutions de l’équation initiale, il ne faut pas oublier d’effectuer le dernier changement de variable.
Cela conclut la solution algébrique d’une équation du troisième degré. Bien qu’il soit assez facile de trouver la racine carrée d’un nombre complexe sous la forme a + bi, il est plutôt difficile de faire de même dans le cas d’une racine cubique. En effet, pour trouver une des racines cubiques d’un nombre complexe sous la forme a + bi, il faudrait résoudre… une équation du troisième degré ! En outre, il faut une bonne dose d’intuition pour reconnaître que
(en utilisant les deux racines cubiques réelles) ou encore que
(en utilisant une des trois paires de racines cubiques complexes).
[1]Les résolutions des équations du troisième et quatrième degré, au niveau auquel elles sont introduites, sont souvent traitées dans les livres comme des problèmes triviaux suscitant peu d’intérêt, mais il reste que les ingénieuses techniques des algébristes italiens du XVIième siècle sont rarement présentées adéquatement. Le problème est plutôt amené sous la forme d’une anecdote historique. Pour un court compte rendu habilement écrit, incluant une savoureuse description des personnages colorés en scène, je vous suggère le sixième chapitre de Journey through Genius de William Dunham. Par ailleurs, une traduction avec notation récente de l’Ars Magna (Le grand Art) est aussi disponible chez Dover. Pas facile à lire, mais plutôt divertissant !
J’aime bien que tu précises “avec une notation plus contemporaine”, car en effet, lorsque Cardano, Ferrari et le bègue travaillaient les concours du temps, la notation algébrique était en gestation, mais loin d’être née. Cela rend leurs raisonnements encore plus impressionnants.
December 13, 2011 @ 1:07 pm
En effet Missmath, un coup d’oeil rapide à
http://www.filosofia.unimi.it/cardano/testi/operaomnia/vol_4_s_4.pdf
révèle beaucoup de cosa, mais pas beaucoup d’équations ! On retrouve cependant plusieurs figures géométriques sur lesquelles le raisonnement algébrique s’appuie (comme c’était encore le cas à l’époque).
December 13, 2011 @ 2:34 pm