La version classée “Visa Général”
Un problème classique de probabilité géométrique (qui s’intègre par exemple au programme de troisième secondaire) est le suivant :
On sélectionne un point au hasard sur une cible circulaire. Quelle est la probabilité que le point choisi soit plus prêt du centre que de la circonférence de la cible ?
Il semble assez évident pour les élèves de délimiter correctement de manière intuitive les zones par deux disques concentriques.
Plusieurs élèves évaluent néanmoins incorrectement (souvent sans avoir fait un seul calcul ou réfléchi au rapport des aires de figures semblables) la probabilité de choisir un point dans la zone hachurée à 1/2 (parce que le rayon du disque hachuré correspond à la moitié du rayon du grand disque). Or, si le petit disque possède un rayon de r et le grand 2r, on a
ce qui n’est pas la solution attendue par ces élèves ! Il y a donc un certain élément de surprise.
La version “Pour Adultes”
Quel ne fut pas mon plaisir de tomber sur un problème similaire mais cette fois-ci pour les plus grands. On n’a qu’à changer un seul mot.
On sélectionne un point au hasard sur une cible carrée. Quelle est la probabilité que le point sélectionné soit plus prêt du centre du carré que d’un de ses côtés ?
Je vous conseille bien fortement d’essayer de trouver la solution par vous-même avant de continuer la lecture. Quel plaisir ! Ce problème faisait partie de la compétition Putnam 1989. Dans l’énoncé original, on demande que la réponse finale soit sous la forme
avec a, b, c et d entiers. C’est ce que nous allons faire.
Un analyse sommaire peut nous conduire à identifier des points “évidents” situés les frontières (en rouge, ci-bas).
Or, nos “réflexes” habituels semblent de prime abord futiles. La région à considérer n’est certainement pas un carré
car, ici, comme
et que le segment OP est l’hypoténuse d’un triangle rectangle dont OS est une cathète, on a clairement que
Le point P est donc plus prêt du côté du carré que du centre. La région à considérer n’est pas non plus un disque
puisque si
on ne peut clairement pas avoir en même temps également
si P n’est pas en S. Le point P est donc plus prêt du centre que du côté du carré.
L’ensemble de points équidistants d’un point et d’une droite est une parabole. La région à considérer est donc délimitée par quatre paraboles qui ont pour foyer le centre du carré et comme droites directrices les droites qui supportent les côtés du carré.On s’affaire donc à trouver l’aire de cette région hachurée. La tâche s’avère de prime abord ardue. Cependant, il est possible d’utiliser les symétries de la figure à notre avantage. On place d’abord le tout dans un repère cartésien. Les sommets du carré sont (1, 1), (-1, 1), (-1, -1) et (1, -1).
En vertu des symétries de la figure, il nous est possible de nous concentrer seulement sur la partie située dans le premier quadrant.
Qui plus est, il est possible de ne s’attarder qu’à la moitié de cette dernière région.
Ce “croissant de parabole” correspond à la moitié de la région à considérer dans le premier quadrant. On note au passage que l’aire du carré dans ce premier quadrant est 1 (pratique pour calculer des probabilités !) Le “croissant” est à son tour divisé en deux parties : la zone de forme triangulaire A1 et la zone A2. On cherche l’aire de ces zones. Pour y arriver, on aura besoin des coordonnées de P.
L’équation de la parabole qui nous intéresse est
où h et k sont les coordonnées du sommet de la parabole et c est la distance (orientée) focale. On a donc
On isole ensuite y dans
en prenant la racine carrée
On ne s’intéressera qu’à la branche située au dessus de l’axe des abscisses. Ainsi, on ne garde que la racine positive
On cherche ensuite les coordonnées de P, le point d’intersection entre la courbe d’équation
et la droite d’équation
Par comparaison, on a
puis en élevant au carré
On obtient un trinôme du deuxième degré
qu’on peut résoudre en compétant le carré
Comme P est dans le premier quadrant, on ne garde que la solution positive
et puisque
les coordonnées de P sont
Il nous est donc déjà possible de trouver l’aire du triangle, que l’on a identifié comme A1.
Il reste à trouver l’aire de la région sous la courbe, celle identifiée comme A2. On pose l’intégrale définie suivante
On effectue le changement de variables suivant
en n’oubliant pas les bornes de l’intégrale
et
On a donc
Ainsi, on obtient l’aire A2
L’expression entre parenthèses se simplifie. Le nombre sous la racine est effectivement un carré. On pourrait poserEn égalant les parties entières du nombre et les coefficients de √2, on obtient les équations suivantes
et
Par chance, la dernière devient, en divisant par 2,
Il faut donc que a et b prennent les valeurs de 1 et -1. Dans quel ordre ? Il suffit de remarquer qu’on veut un nombre
positif. On pose donc
ce qui satisfait bien entendu la deuxième équation mais aussi la première, afin d’obtenirL’aire totale est donc de
En développant on a
puis en mettant sur dénominateur commun
on obtient finalement
Comme le carré du premier quadrant à une aire de 1, il ne reste qu’à doubler ce résultat afin d’obtenir la probabilité recherchée
ce qui correspond à un peu moins de 22%.
L’énoncé est simple mais il faut être très prudent pour correctement le mettre en équation.
C’est fort joli comme problème et comme solution!
Bonjour Pierre,
en effet, comme on doit faire très attention à l’énoncé dans les problèmes de probabilités (en évitant les formulations ambiguës qui donnent lieu à différentes interprétations et donc différents résultats), je donne l’énoncé original de la compétition Putnam de 1989 :
Problem B-1. A dart, thrown at random, hits a square target. Assuming that any
two parts of the target of equal area are equally likely to be hit, find the probability
that the point hit is nearer to the center than to any edge. Express your answer in
the form (a+sqrt(c))/d, where a, b, c, d are positive integers.