Héron (encore !)

Voici une autre démonstration de la formule de Héron, moins élégante que la première mais plus pratique.  Il existe d’autres preuves plus courtes qui ont recours à la loi des cosinus et à des identités trigonométriques.  La preuve qui suit à l’avantage de garder les choses simples, la relation de Pythagore et la factorisation d’un trinôme carré parfait et d’une différence de carrés étant les seuls prérequis.

La formule de Héron nous permet calculer l’aire d’un triangle en ne connaissant que la mesure de ses côtés.

Considérons un triangle quelconque \(ABC\).  On trace la hauteur \(\overline{AD}\).  Elle tombe perpendiculairement sur \(\overline{CD}\).  Appelons \(x\) la mesure du segment \(CD\) et \(a-x\) celle du segment \(BD\). (1)

On peut d’abord trouver l’aire \(K\) du triangle \[K = \frac{ah}{2}\]On élève chaque côté au carré \[K^{2}=\frac{a^{2}h^{2}}{4}\]et on réserve pour une utilisation ultérieure.  Nous allons ensuite trouver une expression correspondant au carré de la hauteur et la remplacer dans l’équation ci-dessus.  Les triangles \(ADC\) et \(ADB\) étant rectangles, on trouve, avec la relation de Pythagore, dans le triangle \(ADC\), \[h^{2}+x^{2}=b^{2}\]et en isolant \(h^{2}\) \[h^{2}=b^{2}-x^{2}\]et puis dans le triangle \(ADB\),\[h^{2}+(a-x)^{2}=c^{2}\]et toujours en isolant \(h^{2}\) \[h^{2}=c^{2}-(a-x)^{2}\]En développant le carré dans l’expression précédente on obtient \[h^{2}=c^{2}-\left(a^{2}-2ax+x^{2}\right)\]ou \[h^{2}=c^{2}-a^{2}+2ax-x^{2}\]Il nous est maintenant possible de comparer les deux expressions précédentes pour \(h^{2}\) \[b^{2}-x^{2}=c^{2}-a^{2}+2ax-x^{2}\]On additionne d’abord \(x^{2}\) de chaque côté afin d’obtenir \[b^{2}=c^{2}-a^{2}+2ax\]Il nous est maintenant possible d’isoler \(x\) \[a^{2}+b^{2}-c^{2}=2ax\]puis\[\frac{a^{2}+b^{2}-c^{2}}{2a}=x\]En reprenant l’équation \[h^{2}=b^{2}-x^{2}\]et en remplaçant \(x\) par l’expression que l’on vient de trouver, on obtient \[h^{2}=b^{2}-\left(\frac{a^{2}+b^{2}-c^{2}}{2a}\right)^{2}\]L’expression de droite est une différence de carrés.  En factorisant on obtient \[h^{2}=\left(b+\frac{a^{2}+b^{2}-c^{2}}{2a}\right)\left(b-\frac{a^{2}+b^{2}-c^{2}}{2a}\right)\]En mettant sur dénominateur commun dans les deux parenthèses on obtient\begin{align*}h^{2}&=\left(\frac{2ab}{2a}+\frac{a^{2}+b^{2}-c^{2}}{2a}\right)\left(\frac{2ab}{2a}-\frac{a^{2}+b^{2}-c^{2}}{2a}\right) \\ \\ &=\left(\frac{a^{2}+2ab+b^{2}-c^{2}}{2a}\right)\left(\frac{-a^{2}+2ab-b^{2}+c^{2}}{2a}\right)\end{align*}On effectue ensuite la mise en évidence de \((-1)\) dans la deuxième parenthèse.  On obtient alors \[h^{2}=(-1)\left(\frac{a^{2}+2ab+b^{2}-c^{2}}{2a}\right)\left(\frac{a^{2}-2ab+b^{2}-c^{2}}{2a}\right)\]Les trois premiers termes au numérateur dans les deux parenthèses sont des trinômes carrés parfaits.  En factorisant on obtient\[h^{2}=(-1)\left(\frac{\left(a+b\right)^{2}-c^{2}}{2a}\right)\left(\frac{\left(a-b\right)^{2}-c^{2}}{2a}\right)\]Et on se retrouve à nouveau avec des différences de carrés.  En factorisant ces deux différences de carrés on obtient \[h^{2}=(-1)\left(\frac{\left(a+b+c\right)\left(a+b-c\right)}{2a}\right)\left(\frac{\left(a-b+c\right)\left(a-b-c\right)}{2a}\right)\]ce qui donne en multipliant \[h^{2}=(-1)\left(\frac{\left(a+b+c\right)\left(a+b-c\right)\left(a-b+c\right)\left(a-b-c\right)}{4a^{2}}\right)\]On distribue ensuite commodément le \((-1)\) sur le dernier facteur \[h^{2}=\frac{(a+b+c)(a+b-c)(a-b+c)(-a+b+c)}{4a^{2}}\]La formule de Héron exprimant l’aire avec le demi-périmètre s, nous allons maintenant introduire cette quantité \[s=\frac{a+b+c}{2}\]En multipliant par \(2\) on obtient \[2s = a+b+c\]puis successivement, en soustrayant d’abord \(2a\), puis \(2b\) puis \(2c\) \begin{align*}2s-2a&=-a+b+c \\ \\ 2s-2b &= a-b+c \\ \\ 2s-2c &= a+b-c\end{align*}En reprenant\[h^{2}=\frac{(a+b+c)(a+b-c)(a-b+c)(-a+b+c)}{4a^{2}}\]on substitue habilement \[h^{2}=\frac{(2s)(2s-2c)(2s-2b)(2s-2a)}{4a^{2}}\]On effectue ensuite des mises en évidence \[h^{2}=\frac{(2s)(2)(s-c)(2)(s-b)(2)(s-a)}{4a^{2}}\]ce qui donne d’abord en multipliant \[h^{2} = \frac{16s(s-a)(s-b)(s-c)}{4a^{2}}\]puis en simplifiant et en réarrangeant les facteurs \[h^{2}=\frac{4s(s-a)(s-b)(s-c)}{a^{2}}\]On a maintenant une expression satisfaisante du carré de la hauteur.  On remplace donc dans \[K^{2}=\frac{a^{2}h^{2}}{4}\]afin d’obtenir \[K^{2}= \frac{a^{2}\cdot \frac{4s(s-a)(s-b)(s-c)}{a^{2}}}{4}\]Il est possible de simplifier les \(a^{2}\) \[K^{2}= \frac{4s(s-a)(s-b)(s-c)}{4}\]puis les \(4\) au numérateur et dénominateur\[K^{2}=s(s-a)(s-b)(s-c)\]Il suffit finalement d’extraire la racine carrée (positive, puisqu’il s’agit de l’aire) afin d’obtenir l’expression recherchée \[K=\sqrt{s(s-a)(s-b)(s-c)}\]

(1) La démarche fonctionne aussi lorsque la hauteur tombe sur le prolongement de \(BC\) et non sur \(BC\) même (donc à l’extérieur du triangle).  Le segment \(BD\) devient \(a+x\)

e est un nombre irrationnel

Voici une preuve assez simple de l’irrationalité du nombre \(e\) (considérant une connaissance préalable des factorielles et des séries géométriques). À l’instar de certaines démonstrations parfois faites avec les élèves montrant que \(\sqrt{2}\) et \(\log_{10}(2)\) sont des nombres irrationnels, il s’agit d’une preuve par l’absurde.

En se rappelant que le nombre \(e\) est égal à la série infinie suivante \[e = \frac{1}{0!}+\frac{1}{1!}+\frac{1}{2!} + \frac{1}{3!} + \ \dots \ + \frac{1}{n!} + \ \dots\]avec \(0! = 1\), on appelle \(S_{n}\) la somme partielle des termes de cette série.  C’est-à-dire la somme des \(n\) premiers termes de cette série telle que \[S_{n} = \frac{1}{0!}+\frac{1}{1!}+\frac{1}{2!}+\frac{1}{3!}+ \ \dots \ +\frac{1}{(n-1)!}+\frac{1}{n!}\]Remarquons que pour tout \(n = 1, \ 2, \ 3, \ 4, \ \dots \ \) on a \[S_{n}<e\]Cela implique aussi que \[0< e-S_{n}\]Que reste-t-il lorsqu’on soustrait \(S_{n}\) à \(e\) ?  Il reste \[0<e-S_{n}=\frac{1}{(n+1)!}+\frac{1}{(n+2)!}+\frac{1}{(n+3)!}+\ \dots\]ce qui est égal à \[0<e-S_{n}=\frac{1}{(n+1)!}+\frac{1}{(n+1)!(n+2)} + \frac{1}{(n+1)!(n+2)(n+3)}+ \ \dots\]En effectuant une mise en évidence simple, on obtient \[0<e-S_{n}=\frac{1}{(n+1)!}\left(1+\frac{1}{n+2}+\frac{1}{(n+2)(n+3)}+ \ \dots \right)\]Nous posons alors l’inéquation suivante, étape clé de la démarche,\begin{align*}0<e-S_{n}&=\frac{1}{(n+1)!}\left(1+\frac{1}{n+2}+\frac{1}{(n+2)(n+3)}+ \ \dots\right) \\ \\ &<\frac{1}{(n+1)!}\left(1+\frac{1}{n+1} + \frac{1}{(n+1)(n+1)} + \ \dots\right)\end{align*}puisque, toujours avec \(n = 1,\ 2, \ 3, \ 4, \ \dots \ \) les dénominateurs de chaque terme étant respectivement strictement plus petits, les fractions sont respectivement strictement plus grandes \begin{align*}\frac{1}{n+1}&>\frac{1}{n+2} \\ \\ \frac{1}{(n+1)(n+1)}&>\frac{1}{(n+2)(n+3)} \\ \\ \frac{1}{(n+1)(n+1)(n+1)} &> \frac{1}{(n+2)(n+3)(n+4)}\\ \\ &\dots \end{align*}Or, cette nouvelle expression est constituée d’une série géométrique infinie (dans la parenthèse).  Le premier terme \(a\) de cette série géométrique est \(1\) et la raison \(r\) de cette série géométrique est \[r=\frac{1}{n+1}\]Or, comme \(n = 1,\ 2, \ 3, \ 4, \ \dots \ \) il se trouve très certainement que \[r<1\]et on peut donc exprimer la somme de cette série géométrique infinie de façon succincte, c’est \[\frac{a}{1-r}\]On trouve \begin{align*}0<e-S_{n}&=\frac{1}{(n+1)!}\left(1+\frac{1}{n+2}+\frac{1}{(n+2)(n+3)}+\ \dots\right)\\ \\ &<\frac{1}{(n+1)!}\left(1+\frac{1}{n+1}+\frac{1}{(n+1)(n+1)}+\ \dots \ \right) = \frac{1}{(n+1)!}\left(\frac{1}{1-\frac{1}{n+1}}\right)\end{align*}En reprenant seulement ce qui nous intéresse \[0<e-S_{n}<\frac{1}{(n+1)!}\left(\frac{1}{1-\frac{1}{n+1}}\right)\]et en mettant sur dénominateur commun \[0<e-S_{n}<\frac{1}{(n+1)!}\left(\frac{1}{\frac{n+1}{n+1}-\frac{1}{n+1}}\right)\]et en effectuant la soustraction, on obtient \[0<e-S_{n}<\frac{1}{(n+1)!}\left(\frac{1}{\frac{n}{n+1}}\right)\]et enfin en simplifiant \[0<e-S_{n}<\frac{1}{(n+1)!}\left(\frac{n+1}{n}\right)\]Comme \[(n+1)! = n!\,(n+1)\]le numérateur \(n+1\) s’annule avec le même facteur du dénominateur.  Il reste \[0<e-S_{n}<\frac{1}{n!\cdot n}\]En multipliant par \(n!\) de chaque côté (\(n!\) étant strictement positif, on ne change pas les signes \(<\) de côté) on obtient \[0<n!\,(e-S_{n})<\frac{1}{n}\]Notons à ce moment que cette inégalité tient pour tout \(n = 1, \ 2, \ 3, \ 4, \ \dots \ \)

Supposons que \(e\) soit un nombre rationnel.  Il pourrait alors s’écrire comme une fraction d’entiers.  Sachant que la valeur de \(e\) est entre \(2\) et \(3\), supposons que la fraction réduite représentant le nombre \(e\) soit \[e = \frac{p}{q}\]avec \[p, \, q \in \mathbb{N}\]et \[\text{pgcd}(p,\, q) =1 \]Cette supposition nous mènera à une contradiction.

Puisque l’inégalité ci-haut tient pour tout \(n = 1, \ 2, \ 3, \ 4, \ \dots \ \) choisissons \(n\) tel que \[n>q\]Certainement,\[q>1\]sans quoi \(e\) serait un entier (ce qui n’est clairement pas le cas).  On en déduit donc que \[n>1\]et que \[\frac{1}{n}<1\]c’est-à-dire une fraction strictement plus petite que \(1\).  Dans l’inégalité suivante \[0<n!\,(e-S_{n})<\frac{1}{n}<1\]l’expression du milieu \[n!\,(e-S_{n})\]est comprise en \(0\) et \(1\) (exclusivement) et ne peut donc pas être un nombre entier.  En remplaçant \(e\) par la fraction réduite qui lui est égale, obtient \[n!\,(e-S_{n}) = n!\left(\frac{p}{q}-S_{n}\right)\]puis en développant \(S_{n}\) \begin{align*}n!\,(e-S_{n})&= n!\left(\frac{p}{q}-S_{n}\right) \\ \\ &=n!\left(\frac{p}{q}-\left(\frac{1}{0!}+\frac{1}{1!}+\frac{1}{2!}+ \ \dots \ +\frac{1}{n!}\right)\right) \\ \\ &=n!\left(\frac{p}{q}\right)-n!\left(1+1+\frac{1}{2!}+\ \dots \ + \frac{1}{n!}\right)\end{align*}Enfin réexprimant le premier terme et en distribuant \(n!\) dans la deuxième parenthèse on obtient \[n!\, (e-S_{n}) = \left(\frac{n!}{q}\right)p-\left(n! + n! + \frac{n!}{2!}+\ \dots \ + \frac{n!}{n!}\right)\]Or, on a choisit \[n>q\]Cela implique que \(q\) divise \(n!\) puisque \[n! = 1 \cdot 2 \cdot 3 \cdot \ \dots \ \cdot q \cdot \ \dots \ \cdot n\]Le premier terme \[\left(\frac{n!}{q}\right)p\]est donc un nombre entier.  Par ailleurs, le même argument s’applique à chaque terme à l’intérieur de la parenthèse : \(n!\) est certainement un entier, \(2!\) divise \(n!\), c’est donc aussi un entier,  \(3!\) divise \(n!\), encore là un entier…  Et ce jusqu’au dernier terme, \(n!\) divisant certainement \(n!\), il s’agit encore d’un entier.  L’expression entre parenthèse \[\left(n! + n! + \frac{n!}{2!} + \ \dots \ + \frac{n!}{n!}\right)\]est donc aussi un nombre entier.  Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’expression \[\left(\frac{n!}{q}\right)p-\left(n!+n!+\frac{n!}{2!}+ \ \dots \ + \frac{n!}{n!}\right)\]est un entier.  Or comme \[n!\, (e-S_{n})\]n’est pas un entier, et que nous avions plus haut \[n! \, (e-S_{n}) = \left(\frac{n!}{q}\right)p-\left(n!+n!+\frac{n!}{2!}+ \ \dots \ + \frac{n!}{n!}\right)\]nous obtenons la contradiction recherchée !  Le nombre \(e\) est irrationnel et ne peut s’exprimer comme un quotient d’entiers.

Surprise !

En quatrième secondaire on travaille avec les élèves les conditions minimales de similitude des triangles.  Une attention particulière est portée aux relations métriques dans les triangles rectangles dans lesquels on a tracé la hauteur issue de l’angle droit (ou la hauteur relative à l’hypoténuse).  Voici un petit résultat qui fait changement des exercices du manuel.  Les élèves apprécient.

Considérez le triangle rectangle \(ABC\) ci-dessous (rectangle en \(C\))

On trace la hauteur issue de l’angle droit.  Elle coupe \(\overline{AB}\) de façon perpendiculaire en \(D\).  Le “petit” triangle \(ACD\) et le “grand” triangle \(ABC\) sont tous les deux rectangles et partagent tous les deux l’angle \(A\).  Il sont donc semblables par le cas de similitude AA. \[\triangle ABC \sim \triangle ACD\]Les côtés homologues des triangles semblables sont dans le même rapport.  Considérons les “petites” cathètes et les hypoténuses des deux triangles.  On obtient la proportion suivante\[\frac{m\overline{AC}}{m\overline{AD}} = \frac{m\overline{AB}}{m\overline{AC}}\]de laquelle on tire \[\left(m\overline{AC}\right)^{2} = m\overline{AB}\cdot m\overline{AD}\]Le “moyen” triangle \(CBD\) et le “grand” triangle \(ABC\) sont tous les deux rectangles et partagent tous les deux l’angle \(B\).  Il sont donc semblables par le cas de similitude AA.\[\triangle ABC \sim \triangle CBD\]En considérant les “grandes” cathètes et les hypoténuses des deux triangles, on obtient la proportion suivante\[\frac{m\overline{BC}}{m\overline{BD}} = \frac{m\overline{AB}}{m\overline{BC}}\]de laquelle on tire \[\left(m\overline{BC}\right)^{2}=m\overline{AB}\cdot m\overline{BD}\]En additionnant les deux résultats précédents on obtient \[\left(m\overline{AC}\right)^2 + \left(m\overline{BC}\right)^2 = m\overline{AB}\cdot m\overline{AD} + m\overline{AB}\cdot m\overline{BD}\]et en effectuant la mise en évidence simple à droite\[\left(m\overline{AC}\right)^2 + \left(m\overline{BC}\right)^2 = m\overline{AB}\cdot \left(m\overline{AD} + m\overline{BD}\right)\]Les segments \(AD\) et \(BD\) forment justement le segment \(AB\), l’hypoténuse du grand triangle rectangle.  On a donc en substituant \[\left(m\overline{AC}\right)^2 + \left(m\overline{BC}\right)^2 = m\overline{AB}\cdot m\overline{AB}\]ou tout simplement \[\left(m\overline{AC}\right)^2 + \left(m\overline{BC}\right)^2 = \left(m\overline{AB}\right)^2 \]… la relation de Pythagore ! \[a^2 + b^2 = c^2\]