Citation

It is clearly impossible to arrange a scale of hardness in studies such as is used in mineralogical tests. But if the formation of such scale were attempted, mathematics would probably head most of the lists. Once label a subject very hard, and let that label be flaunted before the young pupil’s sight, and they are handicapped from the start. They magnify every difficulty, are discouraged too easily, accept failures as all but inevitable. This disadvantage works in many ways. Children are pitied for having to work hard exemples, they are made to tremble at the very thought of algebra or geometry. If they express any pleasure in the subject they are called grinds or sharks, or are told “Just wait till you get to radicals.” Students who have just finished a course in algebra and geometry delight in terrifying those in the class below them, exaggerating its difficulties, discouraging them from reasonable efforts to succeed by instilling a beleif in the futility of such attempts, magnifying the slaughter wrought by examinations, or perhaps declaring that the only way they themselves got through was by committing all the proofs by memory, a tale which can rarely be true, but which is often swallowed with avidity. If it were possible to eliminate from the young minds, that cling so tenasciously to some forms of tradition, this conventional view of mathematics, I beleive that we should find pleasure in learning and in teaching mathematics wonderfully increased, and failures in the subjet correspondingly diminished. Is there any way in which we can acheive this ? It is worth much thought and effort.

Helen A. Merrill, Why Students Fail in MathematicsMathematics Teacher 11

Ce texte est tiré du Mathematics Teacher de décembre… 1918. Hummmm !

Les traces d’un vélo

“A bicycle, certainly, but not THE bicycle,” said he. “I am familiar with forty-two different impressions left by tires. This, as you perceive, is a Dunlop, with a patch upon the outer cover. Heidegger’s tires were Palmer’s, leaving longitudinal stripes. Aveling, the mathematical master, was sure upon the point. Therefore, it is not Heidegger’s track.”

“The boy’s, then?”

“Possibly, if we could prove a bicycle to have been in his possession. But this we have utterly failed to do. This track, as you perceive, was made by a rider who was going from the direction of the school.”

“Or towards it?”

“No, no, my dear Watson. The more deeply sunk impression is, of course, the hind wheel, upon which the weight rests. You perceive several places where it has passed across and obliterated the more shallow mark of the front one. It was undoubtedly heading away from the school. It may or may not be connected with our inquiry, but we will follow it backwards before we go any farther.”

Arthur Conan Doyle (1903), The Adventure Of The Priory School

Voici les traces laissées par un vélo, des traces qu’on pourrait observer, par exemple, dans un sol boueux. J’ai attribué deux couleurs différentes aux traces, celle de la roue avant et celle de la roue arrière, afin qu’on puisse bien les distinguer sur l’image. Peut-on découvrir dans quel sens le vélo s’est déplacé ? De gauche à droite ou de droite à gauche ?

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C’est un problème fort intéressant, résolu par John Conway, Peter Doyle, Jane Gilman, and Bill Thurston en 1991 dans un cours intitulé Geometry and the Imagination donné à Princeton et au Geometry Center de l’Université du Minnesota. La solution apparaît aussi dans le livre Which Way Did The Bicycle Go ? de Joseph D. E. Konhauser, Daniel J. Velleman et Stan Wagon (MAA, 1996). Le problème est inspiré du passage cité ci-dessus d’une nouvelle d’Arthur Conan Doyle dans laquelle son célèbre détective Sherlock Holmes se trouve pour une rare fois dans l’erreur.

Notre expérience à vélo peut nous mener à découvrir, de manière intuitive, la trace qui représente celle de la roue arrière et celle de la roue avant. On s’imagine faire des “s” en vélo à basse vitesse : la roue arrière parcourt une moins grande distance que la roue avant. Sur notre dessin, cela veut donc dire que la trace noire est celle de la roue arrière et la trace bleue celle de la roue avant. Mais cela ne nous indique pas dans quel sens le vélo s’est déplacé.

Le truc comporte deux aspects. D’abord, il faut observer que la distance entre les points de contact au sol de la roue avant et de la roue arrière est toujours constante (ou presque). Ensuite, on peut faire pivoter la roue avant avec le guidon (elle forme donc un angle avec le cadre) mais la roue arrière, elle, est fixe : elle garde toujours le même angle par rapport au cadre, et cet angle est nul. Ainsi, en examinant la trajectoire d’un vélo, la roue arrière est toujours tangente à la trace qu’elle laisse.

Ainsi, il est impossible que la trace bleue soit celle de la roue arrière car la courbe bleue possède des tangentes qui ne touchent pas la courbe noire.

thedudeminds_2013041521La trace noire est donc celle de la roue arrière, tel qu’on l’avait deviné. De plus, si on examine des tangentes à différents points \(B_{i}\) sur la trace noire,thedudeminds_2013041522on remarque que chacune de ces tangentes coupent la courbe bleue à deux endroits, \(A_{i}\) et \(C_{i}\).thedudeminds_2013041523

La distance entre les \(A_{i}\) et \(B_{i}\) est constante, mais la distance entre les \(B_{i}\) et \(C_{i}\) est variable, le vélo n’a donc d’autre choix que de se promener de la droite vers gauche.thedudeminds_2013041524

Zone proximale de développement

Quelle est l’aire de la région ombrée dans le quadrilatère ci-dessous ?

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J’ai perdu la source exacte mais je me souviens de lire sur le subreddit /r/math les commentaires d’un père exaspéré concernant ce problème que sa fille devait compléter dans ses devoirs. Il était incapable de le résoudre et se demandait comment, ô infamie, peut-on donner à d’aussi jeunes esprits un problème aussi difficile !

Il se trouve que les auteurs du problème étaient aussi sur Reddit et leur réponse était brillante : un bon problème est un problème légèrement au dessus de nos aptitudes. Le problème doit être à la fois accessible et difficile, mais pas trop. Reproduire une démarche en changeant les nombres n’est pas « faire des mathématiques ». Ça prend une idée, un pattern, un moment d’illumination. Si on faisait plus souvent des mathématiques (et moins de « pluggage de chiffres ») à l’école et dans les devoirs à la maison, ce genre de défi ne causerait aucun affolement : au contraire, au lieu de prendre des allures menaçantes, il apparaîtrait à nos yeux (et surtout à ceux de l’élève) fort attrayant et plaisant à résoudre. Ce problème est à la portée de l’élève. Ce dernier doit avoir une idée, l’exploiter, et voir les choses sous un autre angle. Et il n’est pas trop difficile !

Et je rajouterais qu’il n’y a absolument aucun problème avec le fait de ne pas être capable de répondre adéquatement à la question : on a le droit à l’erreur en apprentissage. On a le droit à ne pas être capable en apprentissage. Il faut simplement savoir quoi faire avec cette erreur et quoi faire avec cet échec, par la suite.

Enfin, bref… Pour ma part, lorsque j’ai vu le problème, je n’ai pu résister. Hors, voilà, après quelques instants, il n’y a pas de honte, je ne « vois » pas. Mes premiers réflexes, entraînés par ces années à travailler avec des manuels scolaires souvent rébarbatifs, sont d’essayer de trouver les longueurs inconnues des cathètes des triangles rectangles blancs. Un \(x\) ici, un \(y\) là. Or, mon intuition me pousse pourtant dans le sens contraire : il s’avère qu’on ne semble pas connaître suffisamment d’informations pour y arriver (trouver toutes les mesures manquantes). Comme la question est sur Internet, je suis donc assis à l’ordinateur, et d’un clic j’ouvre Géogébra et je me dis que je pourrais reproduire la figure à l’échelle. Pour les élèves, cette tâche est déjà un défi en soi (comment reproduire la figure adéquatement en respectant les contraintes …)

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Cela fait, et là, surprise ! Le quadrilatère peut se déformer, mais la région ombrée a toujours la même aire !

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Et c’est le moment d’illumination, ce moment si cher, privilégié ! Et la géométrie dynamique, quel outil génial d’apprentissage ! Il suffit donc de tracer une diagonale comme dans la figure ci-bas.

thedudeminds_2013041904On se retrouve avec deux triangles dont les hauteurs tombent à l’extérieur du triangle, sur le prolongement du côté opposé. Le premier triangle a une base de \(6\) et une hauteur de \(5\), le deuxième triangle a une base de \(3\) et une hauteur de \(8\) (plus difficile à voir). L’aire de la région ombrée est donc de \[\frac{6\times 5}{2}+\frac{3\times 8}{2} = 15 + 12 = 27\]Voilà ! Ça parait si simple !