Équation diophantienne du premier degré

Une équation diophantienne est une équation dont les coefficients sont des nombres entiers et dont les solutions recherchées sont également entières. Comme d’autres résultats d’arithmétique ou de théorie des nombres, sous la façade simpliste des équations diophantiennes se cachent des résultats d’une étonnante complexité.

Carl Friedrich Gauss, le prince des mathématiciens, disait, à propos :

« Leur charme particulier vient de la simplicité des énoncés jointe à la difficulté des preuves. »

C’est tout dire ! Cela explique peut-être, mais c’est dommage, pourquoi nous n’étudions pas ce genre d’équations au secondaire ni au cégep (si ma mémoire est bonne). Rappelons seulement, avant de commencer, deux choses :  tout entier peut être décomposé en un produit de facteurs premiers et cette décomposition est unique. Ensuite, si\[ab=cd\]et que \(a\) et \(c\) sont premiers entre eux (en d’autres mots, le pgcd de \(a\) et de \(c\) est \(1\)), alors \(a\) divise \(d\) et \(c\) divise \(b\). Par exemple, avec \[a=2, \ b=15, \ c=5, \ d=6\]on a bien \[\text{pgcd}(2, \ 5) = 1\]et on obtient\[2\cdot15=5\cdot 6\]Or \(2\) divise bien \(6\) et \(5\) divise bien \(15\). Nous allons considérer l’équation du premier degré suivante\[ax + by =c\]dans laquelle \(a\), \(b\) et \(c\) sont des entiers. On cherche toutes les solutions \(x\) et \(y\) entières. Une première chose nous apparait évidente : si \(a\) et \(b\) ne sont pas premiers entre eux, autrement dit, si le pgcd de \(a\) et de \(b\) est autre chose que \(1\), alors ce pgcd doit diviser \(c\), sans quoi on ne trouvera pas de solution. Par exemple, l’équation\[3x + 15y = 23\]n’admet pas de solution entière, puisque\[\text{pgcd}(3,\ 15) = 3\]et donc \[3(x + 5y) = 23\]mais \(23\) n’est pas divisible par \(3\). Par contre, l’équation \[3x + 15 = 21\]admet des solutions entières, puisque \(21\) est divisible par \(3\). On peut alors se ramener à l’équation plus simple\[x + 5y = 7\]en divisant chaque côté par \(3\). On trouve une solution assez triviale\[x=2, \ y = 1\]mais il en existe bien d’autres.  On suppose donc que \(a\) et \(b\) soient premiers entre eux dans\[ax + by = c\]On peut alors trouver un couple solution, appelons le \[(x_{0}, \ y_{0})\]tel que \[ax_{0} + by_{0} = c\]On soustrait la deuxième équation de la première\[ax-ax_{0} + bx-bx_{0} = c-c\]ce qui fait, après les mises en évidence \[a\left(x-x_{0}\right) + b\left(y-y_{0}\right) = 0\]On obtient par la suite\[a\left(x-x_{0}\right) =-b\left(y-y_{0}\right)\]ou\[a\left(x-x_{0}\right)=b\left(y_{0}-y\right)\]Comme \(a\) et \(b\) sont premiers entre eux, \(a\) doit diviser \(y_{0}-y\).  On peut donc trouver un entier \(k\) tel que\[ak = y_{0}-y\]Et pour la même raison \(b\) doit diviser \(x-x_{0}\).  On trouve donc un entier \(k’\) tel que \[bk’ = x-x_{0}\]En remplaçant \(y_{0}-y\) et \(x-x_{0}\) dans l’équation précédente, on obtient\[abk’ = bak\]En divisant par \(ab\) de chaque côté, on a \[k’ = k\]Bien ! En posant \[k=k’=n\]on trouve\begin{align*}bn&=x-x_{0} \\\ \\ an&=y_{0}-y\end{align*}et en isolant les variables considérées \begin{align*}x&=x_{0} + bn \\ \\ y&=y_{0}-an\end{align*}on a enfin des expressions qui expriment l’infinité de solutions entières en fonction de \(n\) avec \(n \in \mathbb{Z}\). En reprenant notre exemple, \[x + 5y = 7\]pour lequel on avait déjà trouvé une solution, on a \[a = 1,\ b=5,\ x_{0}=2,\ y_{0}=5\]On peut donc exprimer l’infinité de solutions comme\begin{align*}x&=2+5n \\ \\ y&=1-n\end{align*}avec \(n \in \mathbb{Z}\). Essayez ! Ça fonctionne !  Je vous conseille d’entrer quelques expressions dans Wolframalpha (c’est ce qui a piqué ma curiosité).  Lorsque des solutions entières existent, Wolframalpha fournit les équations qui les génèrent.

L’indécision fatale…

Le paradoxe de l’âne de Buridan est la légende selon laquelle un âne est mort de faim et de soif entre son picotin d’avoine et son seau d’eau, faute de choisir par quoi commencer.

Voila que la chèvre de M. Lebowski elle aussi meurt de faim… et de soif ! À égale distance se trouvent une carotte et la rive, source d’une bonne eau fraiche. La chèvre s’approche, affamée et assoiffée, tranquillement, menée par son estomac criant et sa gorge desséchée, mais, horreur, pauvre chèvre, elle se trouve aussi incapable de prendre une décision que l’âne de Buridan : la carotte ou l’eau ? Décrivez la trajectoire (fatale) qu’emprunte la chèvre.

Référence : www.mathcurve.com

La somme des n premiers carrés

La formule pour calculer la somme des \(n\) premiers entiers est : \[s = \frac{n(n+1)}{2}\]Je vous épargne l’histoire, bien connue, du jeune Carl Friedrich Gauss et de sa sommation des 100 premiers entiers… alors qu’il était en sixième année.  La technique employée pour retrouver cette formule est bien connue.  On somme \[s=1+2+3+ \, \dots \,+ (n-2)+(n-1)+n\]On permute chacun des termes \[s = n+(n-1) +(n-2)+ \, \dots \, +3+2+1\]Il suffit ensuite d’additionner ces équations terme à terme \[2s = (n+1) + (n+1) + (n+1) + \, \dots \, + (n+1)+(n+1)+(n+1)\]Il y a en outre \(n\) fois ces termes \((n+1)\) et en divisant par \(2\) on obtient \[s = \frac{n(n+1)}{2}\]Moins connue est la formule pour calculer la somme des n premiers carrés.  Ou peut-être je m’exprime mal :  la formule en elle-même est connue et, dans la plupart des livres, on fournit même une preuve de sa validité en utilisant le principe d’induction.  Or, pour ce type de preuve, il faut connaître la formule au départ.  Ça prend beaucoup d’intuition pour trouver, en jonglant avec quelques nombres \[S=\frac{n(n+1)(2n+1)}{6}\]Une façon d’y arriver est de considérer les sommes des cinq premiers carrés, \(1\), \(5\), \(14\), \(30\), \(55\).  On trouve que les accroissements entre les accroissements entre les accroissements entre deux carrés consécutifs sont constants, ce qui est caractéristique d’une fonction polynomiale de degré trois. En utilisant quatre des ces sommes et en résolvant le système d’équations, on trouve ladite fonction.  Par la suite, il suffit de prouver, par induction, sa validité pour \(n\in \mathbb{N}\). Je vous propose une autre façon de procéder, plus élégante.

Mais d’abord un petit préambule. Nous allons commencer avec la preuve d’une autre formule, celle de la somme des \(k\) premiers impairs, qui utilise, en quelque sorte, la même stratégie.

La somme des \(k\) premiers impairs

En étudiant les différences des carrés de nombres entiers successifs suivantes \begin{align*}1^{2}-0^{2}&=1 \\ \\ 2^{2}-1^{2}&=3 \\ \\ 3^{2}-2^{2}&=5 \\ \\ 4^{2}-3^{2}&=7 \\ \\ 5^{2}-4^{2}&=9 \\ \\ &\dots \end{align*}quelque chose de remarquable apparait ! D’une part, on génère la suite des nombres impairs à droite, d’autre part ces différences de carrés sont égales à la somme des nombres entiers consécutifs considérés \begin{align*}1+0 &=1 \\ \\ 2+1&=3 \\ \\ 3+2 &= 5 \\ \\ 4+3 &=7 \\ \\ 5+4&=9 \\ \\ &\dots \end{align*}En général, si on pose \[k^{2}-(k-1)^{2}\](donc le carré de l’entier \(k-1\) et le carré de l’entier immédiatement supérieur \(k\)) on obtient \[k^{2}-\left(k^{2}-2k+1\right)\]ce qui donne \[2k-1\]ou \[k + (k-1)\]C’est bien un nombre impair : que \(k\) soit pair ou impair, \(2k-1\) est impair.  Et c’est aussi bien la somme des deux nombres entiers consécutifs \((k-1) + k\).

Quel est la somme des \(k\) premiers impairs ?  On pose \[i=2k-1\]et on somme ces égalités jusqu’au \(k\)-ième impair \begin{align*}1^{2}-0^{2}&=1 \\ \\ 2^{2}-1^{2}&=3 \\ \\ 3^{2}-2^{2}&=5 \\ \\ 4^{2}-3^{2}&=7 \\ \\ 5^{2}-4^{2}&=9 \\ \\ &\dots \\ \\ k^{2}-(k-1)^{2} &=i\end{align*}On obtient, à gauche et à droite : \[-0^{2}+1^{2}-1^{2}+2^{2}-2^{2}+3^{2}-3^{2}+ \, \dots \, + (k-1)^{2}-(k-1)^{2}+k^{2}=1+3+5+7+\, \dots \, + i\]Tous ces termes s’annulant deux-à-deux, sauf le dernier, et c’est là la beauté de la chose, on obtient simplement \[k^{2} = 1 + 3 + 5 + 6 + \, \dots \, + i \]La somme recherchée, celle des \(k\) premiers impairs, est donc égale au carré de \(k\).

La somme des \(n\) premiers carrés

Procédons de façon analogue pour trouver la formule de la somme des \(n\) premiers carrés.  On commence par développer \[(n+1)^{3}= n^{3}+3n^{2}+3n+1\]Et puisque \begin{align*}1&=0+1 \\ \\ 2&=1+1 \\ \\ 3&=2+1 \\ \\ 4&=3+1 \end{align*}et qu’en général, évidemment, \[n = (n-1) + 1\]on remarque que \begin{align*}1^{3}&=0^{3}+3(0)^{2}+3(0)+1 \\ \\ 2^{3}&=1^{3}+3(1)^{2}+3(1)+1 \\ \\ 3^{2}&=2^{3}+3(2)^{2}+3(2)+1 \\ \\ 4^{3}&=3^{3}+3(3)^{2}+3(3)+1 \\ \\ &\dots \\ \\ n^{3} &= (n-1)^{3}+3(n-1)^{2}+3(n-1)+1 \\ \\ (n+1)^{3}&=n^3 + 3n^{2}+3n + 1\end{align*}Nous allons maintenant additionner ces égalités terme à terme.  À gauche, on obtient la somme des \(n+1\) premiers cubes.  À droite on obtient \(4\) termes :

La somme des \(n\) premiers cubes

Trois fois la somme des \(n\) premiers carrés (ce qui, en particulier, nous intéresse)

Trois fois la somme des \(n\) premiers entiers

\(n+1\) (et non pas seulement \(n\))

Ensuite,  quatre choses plutôt qu’une :

Les \(n\) premiers cubes se simplifient, il reste seulement le cube de \(n+1\) à gauche

La somme des \(n\) premiers carrés étant ce qui nous intéresse, nous appellerons cette somme \(S\)

La somme des \(n\) premiers entiers est connue, c’est \[\frac{n(n+1)}{2}\]

\(n+1\) est simplement \(n+1\)

En tenant compte des points mentionnés ci-dessus, on obtient \[(n+1)^{3}= 3S + 3\left(\frac{n(n+1)}{2}\right)+n+1\]puis en développant \[n^{3}+3n^{2}+3n+1 = 3S + \frac{3n^{2}+3n}{2}+n+1\]Enfin, en isolant \(3S\), qui inclut la somme qui nous intéresse, \[3S = n^{3} + 3n^{2}+3n + 1-\left(\frac{3n^{2}+3n}{2}\right)-(n+1)\]En multipliant par \(2\), on obtient \[6S = 2n^{3}+6n^{2}+6n+2-3n^{2}-3n-2n-2\]et en simplifiant le tout \[6S = 2n^{3}+3n^{2}+n\]La formule recherchée se dévoile.  On effectue d’abord la mise en évidence simple \[6S = n(2n^{2}+3n+1)\]et ensuite la factorisation du trinôme \[6S=n(n+1)(2n+1)\]Enfin, en divisant par \(6\), on obtient la formule recherchée \[S = \frac{n(n+1)(2n+1)}{6}\]