La loi des sinus (étendue)

Grâce notamment aux logiciels de géométrie dynamique, il est tout à fait remarquable de faire découvrir aux élèves que dans n’importe quel triangle, le plus grand côté est toujours opposé au plus grand angle et le plus petit côté au plus petit angle.Il est intéressant, à ce moment, de se demander si les côtés opposés et leurs angles respectifs sont dans le même rapport : en d’autres mots, est-ce qu’on \[\frac{a}{\angle A} \overset{?}{=} \frac{b}{\angle B} \overset{?}{=} \frac{c}{\angle C}\]La réponse est bien entendue négative. En réalité, les côtés opposés sont proportionnels non pas aux angles mais aux sinus des angles. C’est la loi des sinus \[\frac{a}{\sin\left(\angle A\right)} = \frac{b}{\sin\left(\angle B\right)} = \frac{c}{\sin\left(\angle C\right)}\]La question est :

Que représente ce rapport entre les côtés opposés et les sinus des angles ?

Avant d’y répondre, et à des fins de complétude pour ce blogue, voici la preuve « cassique » de la loi des sinus telle que vue généralement en quatrième secondaire. Dans un triangle \(ABC\), on trace la hauteur \(CD\) que l’on nomme \(h\).On a d’une part, dans le triangle \(ACD\),\[\sin\left(\angle A\right) = \frac{h}{b} \quad \Rightarrow \quad h = b\sin\left(\angle A\right)\]et, d’autre part, dans le triangle \(BCD\), \[\sin\left(\angle B\right) = \frac{h}{a} \quad \Rightarrow \quad h = a\sin\left(\angle B\right)\]En comparant les expressions obtenues pour la hauteur, on a \[a \sin\left(\angle B\right) = b\sin\left(\angle A\right)\]ou de manière équivalente \[\frac{a}{\sin\left(\angle A\right)} = \frac{b}{\sin\left(\angle B\right)}\]et la preuve est essentiellement complète puisqu’il est possible de répéter la manœuvre avec la hauteur relative au côté \(c\) et par transitivité, on obtient le résultat attendu. La démarche est la même si l’angle est obtus
puisque dans ce cas, les angles \(CAD\) et \(CAB\) sont supplémentaires et les sinus d’angles supplémentaires sont égaux \[\sin\left(\angle CAD\right) = \sin\left(180^{\circ}-\angle CAD\right)\]Ainsi on a \[\sin\left(\angle CAD\right) = \sin\left(\angle CAB\right)\]

Que représente ce rapport ?

Maintenant, pour répondre à la question, on considère un triangle \(ABC\) et son cercle circonscrit de centre \(O\). On trace le diamètre \(CD\).

On pose le rayon égal à \(r\). En d’autres mots, m\[m\overline{CD} =2r\]L’angle \(CBD\) est droit puisque le triangle \(CBD\) est inscrit dans un cercle et l’un de ses côtés est un diamètre. On a donc \[\sin\left(\angle D\right) = \frac{a}{m\overline{CD}} = \frac{a}{2r}\]Or, les angles \(D\) et \(A\) sont isométriques puisqu’ils interceptent le même arc. En substituant, on obtient \[\sin\left(\angle A\right) = \frac{a}{2r}\]ou de manière équivalente \[2r = \frac{a}{\sin\left(\angle A\right)}\]En procédant de façon analogue, en considérant les autres angles, on obtient (le cercle circonscrit au triangle étant unique) \[2r = \frac{b}{\sin\left(\angle B\right)}\]et \[2r = \frac{c}{\sin\left(\angle C\right)}\]et donc \[2r = \frac{a}{\sin\left(\angle A\right)} = \frac{b}{\sin\left(\angle B\right)} = \frac{c}{\sin\left(\angle C\right)}\]ce qui complète la preuve. On sait maintenant que le rapport constant entre les côtés opposés et les sinus des angles dans la loi des sinus est égal au diamètre du cercle circonscrit ! Et encore une fois, si le triangle est obtusangle, comme dansalors pas de problème ! Les angles \(A\) et \(D\) sont supplémentaires puisqu’ils sont des angles opposés dans un quadrilatère inscrit dans un cercle (Proposition III.22 des Éléments d’Euclide). Et comme les sinus d’angles supplémentaires sont égaux, on a bien \[\sin\left(\angle D\right) = \sin\left(\angle A\right)\]

Sur la hauteur relative à l’hypoténuse dans le triangle rectangle

La relation de Pythagore nous dit que dans un triangle rectangle

on a \[a^{2}+ b^{2} = c^{2}\]Les résultats du dernier billet, celui sur l’équation de Fermat, nous permet donc de trouver les dimensions de triangles rectangles dont les trois côtés sont des nombres entiers. Il est possible d’établir un autre lien fort intéressant de la même nature.

En traçant la hauteur issue de l’angle droit (ou relative à l’hypoténuse), le segment \(d\) sur la figure, on crée des triangles semblables. En considérant le grand triangle rectangle initial et un des deux plus petits triangles rectangles semblables, il nous est possible d’établir cette proportion \[\frac{c}{d} = \frac{b}{d}\]ou de manière équivalente \[c = \frac{ab}{d}\]En élevant au carré on obtient \[c^{2} = \frac{a^{2}b^{2}}{d^{2}}\]ce qui nous permet de remplacer dans l’équation initiale\[a^{2} + b^{2} = \frac{a^{2}b^{2}}{d^{2}}\]En divisant par \(a^{2}b^{2}\) on obtient \[\frac{a^{2}}{a^{2}b^{2}} + \frac{b^{2}}{a^{2}b^{2}}=\frac{1}{d^{2}}\]ce qui fait après simplifications \[\frac{1}{a^{2}} + \frac{1}{b^{2}} = \frac{1}{d^{2}}\]C’est l’équation du dernier billet lorsque l’exposant vaut \(-2\). On pose donc \[a = 2pq\left(p^{2}+q^{2}\right), \quad b=\left(p^{2}+q^{2}\right)\left(p^{2}-q^{2}\right), \quad d = 2pq\left(p^{2}-q^{2}\right)\]avec \(p\) et \(q\) deux entiers premiers entre eux et de parité différente, et \(p>q\). Comme\[c = \frac{ab}{d}\]on a bien \[c=\frac{2pq\left(p^{2}+q^{2}\right) \cdot \left(p^{2}+q^{2}\right)\left(p^{2}-q^{2}\right)}{2pq\left(p^{2}-q^{2}\right)} = \left(p^{2}+q^{2}\right)^{2}\]et \(c\) est un entier ! On peut même trouver que la mesure des segments sur l’hypoténuse déterminés par la hauteur (\(c_1\) et \(c_2\) sur la figure) sont elles aussi entières. Par Pythagore, on a \begin{align*}\left(c_{1}\right)^{2}+d^{2} &= a^{2} \\ \\ \left(c_{1}\right)^{2} + \left(2pq\left(p^{2}-q^{2}\right)\right)^{2} &=\left(2pq\left(p^{2}+q^{2}\right)\right)^{2} \\ \\ \left(c_{1}\right)^{2} &= \left(2pq\left(p^{2}+q^{2}\right)\right)^{2}-\left(2pq\left(p^{2}-q^{2}\right)\right)^{2}\end{align*}et en effectuant une mise en évidence simple puis en factorisant la différence de carrés, on trouve\begin{align*}\left(c_{1}\right)^{2} &=\left(2pq\left(p^{2}+q^{2}\right)\right)^{2}-\left(2pq\left(p^{2}-q^{2}\right)\right)^{2} \\ \\ &=4p^{2}q^{2}\left(\left(p^{2}+q^{2}\right)^{2}-\left(p^{2}-q^{2}\right)^{2}\right) \\ \\ &= 4p^{2}q^{2}\left(p^{2}+q^{2}+\left(p^{2}-q^{2}\right)\right)\left(p^{2}+q^{2}-\left(p^{2}-q^{2}\right)\right) \\ \\ &= 4p^{2}q^{2}\left(2p^{2}\right)\left(2q^{2}\right) \\ \\ &= \left(4p^{2}q^{2}\right)^{2}\end{align*}c’est-à-dire\[c_{1}=4p^{2}q^{2}\]un nombre entier ! Puis la même chose avec \begin{align*}\left(c_{2}\right)^{2} + d^{2} &=b^{2} \\ \\ \left(c_{2}\right)^{2} + \left(2pq\left(p^{2}-q^{2}\right)\right)^{2}&=\left(\left(p^{2}+q^{2}\right)\left(p^{2}-q^{2}\right)\right)^{2} \\ \\ \left(c_{2}\right)^{2}&=\left(\left(p^{2}+q^{2}\right)\left(p^{2}-q^{2}\right)\right)^{2}-\left(2pq\left(p^{2}-q^{2}\right)\right)^{2}\end{align*}et encore une fois après une mise en évidence simple et une factorisation d’une différence de carrés, on a \begin{align*}\left(c_{2}\right)^{2}&=\left(\left(p^{2}+q^{2}\right)\left(p^{2}-q^{2}\right)\right)^{2}-\left(2pq\left(p^{2}-q^{2}\right)\right)^{2} \\ \\ &=\left(p^{2}-q^{2}\right)^{2}\left(\left(p^{2}+q^{2}\right)^{2}-\left(2pq\right)^{2}\right) \\ \\ &=\left(p^{2}-q^{2}\right)^{2}\left(p^{2}+q^{2}+2pq\right)\left(p^{2}+q^{2}-2pq\right) \\ \\ &=\left(p^{2}-q^{2}\right)^{2}\left(p+q\right)^{2}\left(p-q\right)^{2}\end{align*}c’est-à-dire \begin{align*}c_{2}&=\left(p^{2}-q^{2}\right)\left(p+q\right)\left(p-q\right) \\ \\ &=\left(p^{2}-q^{2}\right)\left(p^{2}-q^{2}\right)\end{align*}encore un nombre entier ! Pourquoi arrêter le plaisir ? On peut même vérifier que \begin{align*}c_{1}+c_{2} &= 4p^{2}q^{2}+\left(p^{2}-q^{2}\right)^{2} \\ \\ &=4p^{2}q^{2}+p^{4}-2p^{2}q^{2}+q^{4} \\ \\ &=p^{4}+2p^{2}q^{2}+q^{4} \\ \\ &= \left(p^{2}+q^{2}\right)^{2} \\ \\ &=c\end{align*}Tout fonctionne ! C’est un truc pratique pour tout enseignant voulant que les solutions à son exercice sur les relations métriques dans le triangle rectangle soient « arrangées avec le gars des vues ».

Sur l’équation de Fermat pour les exposants négatifs

Voici un billet pour lequel je suis assez content et dont j’avais commencé l’ébauche il y a déjà un petit moment et que j’ai terminé récemment après avoir eu en mains propres l’article de Thérond cité ci-bas. J’espère que vous apprécierez.

Le dernier théorème de Fermat, démontré par le mathématicien Andrew Wiles en 1995, nous dit qu’il n’existe pas de nombres entiers positifs non-nuls \(x\), \(y\), \(z\) tels que \[x^{n}+y^{n} = z^{n}\]pour des entiers \(n\) strictement supérieur à \(2\).

On s’intéresse d’abord aux solutions de l’équation lorsqu’elles sont possibles.

Le cas \(n=2\)

On a \[x^{2}+y^{2}=z^{2}\]Lorsque \(n=2\), on retrouve comme solutions nos chers triplets pythagoriciens. On ne s’intéressera comme à l’habitude qu’aux solutions dîtes primitives, c’est-à-dire celles ne comportant pas de facteur commun. Par exemple, le triplet \[x=16, \ y=30,\ z = 34\]est bien une solution à l’équation, mais ce n’est pas une solution primitive, puisque \(16\), \(30\) et \(34\) ne sont pas premiers entre eux. En divisant par \(2\), on obtient \[x = 8,\ y = 15, \ z = 17 \]un triplet primitif. On désire générer tous les triplets primitifs. Notons d’abord que les trois nombres ne peuvent être pairs, puisqu’ils ne seraient pas premiers entre eux. Ils ne peuvent pas plus être tous les trois impairs. Le carré d’un impair étant un impair, on aurait la somme de deux impairs, à gauche, donc un nombre pair, et un impair à droite, ce qui est bien sûr impossible. Algébriquement, en posant \[x = 2p+1, \ y = 2q + 1, \ z = 2r + 1 \]on obtient \begin{align*}(2p+1)^{2}+(2q+1)^{2} &= (2r+1)^{2} \\ \\ 4p^{2}+4p+1+4q^{2}+4q+1 &= 4r^{2}+4r+1 \\ \\ 4p^{2}+4q^{2}-4r^{2}+4p+4q-4r+4&=3 \\ \\ 4\,(p^{2}+q^{2}-r^{2}+p+q-r+1) &= 3\end{align*}ce qui impliquerait que \(4\) est un facteur de \(3\), ce qui est bien évidemment faux. Est-ce que \(z\) peut être pair avec \(x\) et \(y\) impairs ? En posant \[x=2p+1, \ y = 2q+1, \ z = 2r\]on obtient \begin{align*}(2p+1)^{2}+(2q+1)^{2}&= (2r)^{2} \\ \\ 4p^{2}+4p+1+4q^{2}+4q+1 &=4r^{2} \\ \\ 4p^{2}+4q^{2}-4r^{2}+4p+4q+4 &=2 \\ \\ 4\,(p^{2}+q^{2}-r^{2}+p+q+1) &=2\end{align*}ce qui impliquerait cette fois-ci que \(4\) est un diviseur de \(2\), ce qui est encore faux. Puisqu’en dernier lieu, il est impossible d’avoir \(x\) et \(y\) pairs et \(z\) impair, il faut donc que \(x\) ou \(y\) soit pair et les deux autres impairs. Sans restreindre la généralité, on peut choisir \(y\) pair et \(x\) et \(z\) impairs. En partant de \[x^{2}+y^{2}=z^{2}\]on soustrait \(y^{2}\) de chaque côté\[x^{2}=z^{2}-y^{2}\]et on factorise la différence de carrés \[x^{2}=(z+y)(z-y)\]On suppose que \(t\) soit le plus grand commun diviseur de \(z+y\) et \(z-y\)\[t=\text{pgcd}(z+y,z-y)\]Si c’est le cas, alors il doit aussi diviser la somme \[(z+y)+(z-y) = 2z\]et la différence\[(z+y)-(z-y)=2y\]de ces deux nombres. Puisque \(z\) et \(y\) n’ont pas de facteur commun, on déduit que \(t=1\) ou \(t=2\). Or, comme on veut \(x\) impair et que\[x^{2}=(z+y)(z-y)\]ce choix s’arrête sur \(t=1\). En d’autres mots, \(z+y\) et \(z-y\) sont premiers entre eux. Le produit de \(z+y\) et \(z-y\) étant un carré, c’est-à-dire \(x^{2}\), ces expressions doivent être eux-mêmes des carrés. On pose donc \[z+y = a^{2}\]et \[z-y = b^{2}\]On remarque au passage que \(a>b\) et tous les deux sont impairs et premiers entre eux. Cela nous donne, pour \(x\) \begin{align*}x^{2}&=a^{2}b^{2} \\ \\ x&=ab\end{align*}puis en effectuant la somme\begin{align*}(z+y)+(z-y)&=a^{2}+b^{2} \\ \\ 2z &= a^{2}+b^{2} \\ \\ z&=\frac{a^{2}+b^{2}}{2}\end{align*}et la différence\begin{align*}(z+y)-(z-y)&=a^{2}-b^{2} \\ \\ 2y &= a^{2}-b^{2} \\ \\ y&=\frac{a^{2}-b^{2}}{2}\end{align*}
on trouve les expressions respectivement pour \(z\) et \(y\). Les triplets primitifs pour le cas où l’exposant est \(2\) sont donc donnés par \[x = ab, \ y = \frac{a^{2}-b^{2}}{2},\ z =\frac{a^{2}+b^{2}}{2}\]avec \(a\) et \(b\) tous les deux impairs et premiers entre eux et où \(a>b\).

Une variation souvent empruntée est celle-ci. On garde \(y\) pair et \(x\) et \(z\) impairs. Cependant, on soustrait cette fois-ci l’impair\(x^{2}\)\[y^{2}=z^{2}-x^{2}\]et on factorise\[y^{2}=(z+x)(z-x)\]Comme \(y\) est pair et \(x\) et \(z\) impairs, on remarque que \[\frac{y}{2},\ \frac{z-x}{2}, \ \frac{z+x}{2}\]sont tous des nombres entiers positifs. On a donc\[\left(\frac{y}{2}\right)^{2}=\left(\frac{z+x}{2}\right)\left(\frac{z-x}{2}\right)\]On suppose que le plus grand commun diviseur des deux facteurs de droite est \(t\). Si \[t = \text{pgcd}\left(\frac{z+x}{2}, \ \frac{z-x}{2}\right)\]alors il doit aussi diviser la somme\[\frac{z+x}{2}+\frac{z-x}{2}=z\]
et la différence\[\frac{z+x}{2}-\frac{z-x}{2}=x\]de ces deux nombres. Or, \(z\) et \(x\) sont premiers entre eux, et on n’a donc d’autres choix que de poser \(t=1\). En d’autres mots, \(\frac{z+x}{2}\) et \(\frac{z-x}{2}\) sont premiers entre eux. De plus, puisque le produit de ces expressions est un carré, \[\left(\frac{y}{2}\right)^{2}= \left(\frac{z+x}{2}\right)\left(\frac{z-x}{2}\right)\]les expressions \(\frac{z+x}{2}\) et \(\frac{z-x}{2}\) sont eux-mêmes des carrés. On pose donc \begin{align*}\frac{z+x}{2} &= a^{2}\\ \\ \frac{z-x}{2} &= b^{2}\end{align*}On note encore une fois que \(a\) et \(b\) sont eux aussi premiers entre eux et \(a>b\). En effectuant la somme \begin{align*}\frac{z+x}{2}+\frac{z-x}{2} &= a^{2}+b^{2} \\ \\ z&=a^{2}+b^{2}\end{align*}et la différence \begin{align*}\frac{z+x}{2}-\frac{z-x}{2}&=a^{2}-b^{2} \\ \\ x&= a^{2}-b^{2}\end{align*}on obtient des expressions respectivement pour \(z\) et \(x\) . On note aussi que puisque \(a\) et \(b\) sont premiers entre eux, ils ne peuvent pas être tous les deux pairs. Enfin, ils ne peuvent pas être tous les deux impairs, sans quoi \(x\) et \(z\) seraient pairs ce qui contredit notre hypothèse. On obtient aussi en remplaçant \begin{align*}\left(\frac{y}{2}\right)^{2}&=a^{2}b^{2} \\ \\ \frac{y}{2} &= ab \\ \\ y&=2ab\end{align*}Ainsi, alternativement, les triplets primitifs pour le cas où l’exposant est \(2\) sont donnés par\[x=a^{2}-b^{2},\ y=2ab, \ z=a^{2}+b^{2}\]où \(a\) et \(b\) sont deux nombres entiers strictement positifs, avec \(a>b\) et \(a\) et \(b\) de parité opposée.

Les cas \(n=1\) et \(n=0\)

Ce sont les cas triviaux. Les solutions à \[x^{1}+y^{1}=z^{1}\]sont directes et il n’y a pas de solution à l’équation\begin{align*}x^{0}+y^{0}&=z^{0}\\ \\ 1+1&=1 \\ \\ 2&=1\end{align*}puisque n’importe quelle base non-nulle élevée à l’exposant \(0\) donne toujours \(1\).

Les autres valeurs possibles pour \(n\)

Qu’en est-il si on s’autorise d’autres valeurs pour \(n\) ? Des valeurs rationnelles ? Irrationnelles ? Négatives ? Il se trouve, peut-être de manière surprenante, que le théorème tient pour des valeurs de \(n\) rationnelles supérieures à \(2\). En d’autres mots, il n’y a pas de solution pour des valeurs de \(n\) rationnelles supérieures à \(2\). Cependant, en admettant des valeurs rationnelles inférieures à \(2\), on trouve une infinité (dénombrable) de solutions mais dans toutes ces solutions l’exposant prend l’une ou l’autre de ces formes \[n=\frac{1}{m}\]ou \[n=\frac{2}{m}\]qui découlent respectivement des formes entières \(n=1\) et \(n=2\). Pour des valeurs de \(n\) irrationnelles, le théorème ne tient pas. Morgan [1] dans son article donne comme exemple :

Puisque \[4^{2}+5^{2}>6^{2}\]et \[4^{3}+5^{3}< 6^{3}\]par le théorème des valeurs intermédiaires, il existe une valeur de \(n\), \[2<n<3\]tel que \[4^{n}+5^{n}= 6^{n}\]

Et il est en effet possible de trouver une infinité (dénombrable) de ces valeurs irrationnelles. Pour davantage de détails, voir Morgan [1]. Le billet d’aujourd’hui s’intéresse cependant aux valeurs entières strictement négatives de l’exposant \(n\). D’abord on remarque ceci qui est primordial. Pour les valeurs de \(n\) strictement négatives, on pose \[n=-m\]où \(m\) est un entier strictement positif. L’équation\[x^{n}+y^{n}=z^{n}\]est donc équivalente dans ce cas à\[x^{-m}+y^{-m}=z^{-m}\]ou encore\[\frac{1}{x^{m}}+\frac{1}{y^{m}}=\frac{1}{z^{m}}\]En mettant sur dénominateur commun et en effectuant l’addition\[\frac{x^{m}+y^{m}}{x^{m}y^{m}}=\frac{1}{z^{m}}\]puis en effectuant le produit croisé on obtient\[x^{m}z^{m}+^{m}z^{m}=z^{m}y^{m}\]ou\[\left(xz\right)^{m}+\left(yz\right)^{m}=\left(xy\right)^{m}\]c’est-à-dire une équation de la forme\[\left(X\right)^{m}+\left(Y\right)^{m}=\left(Z\right)^{m}\]pour laquelle le dernier théorème de Fermat nous assure qu’il n’y a des solutions que pour \(m\) entier inférieur ou égal à \(2\). Cela implique que d’une part, il n’y aura donc que deux cas à considérer : \(n=-1\) et \(n=-2\), et d’autre part, la démarche précédente nous permet d’établir une bijection (en simplifiant les facteurs communs s’il y a lieu) entre les solutions des exposants positifs et négatifs. L’exemple du début de l’article pour \(n=2\)\[x=8,\ y=15,\ z=17\]nous donnerait la solution primitive \[\left(136\right)^{-2}+\left(255\right)^{-2}=\left(120\right)^{-2}\]et de manière analogue avec \(n=1\), la solution \[x=5,\ y=2, \ z= 7\]à l’équation \[x^{1}+y^{1}=z^{1}\]nous donnerait\[\left(35\right)^{-1}+\left(14\right)^{-1}=\left(10\right)^{-1}\]On cherche cependant des formules pour générer ces triplets primitifs, à l’instar de la démarche entreprise pour le cas positif dans lequel l’exposant est \(2\).

Le cas \(n=-1\)

On a \[x^{-1}+y^{-1}=z^{-1}\]ou de manière équivalente en vertu de ce qu’on vient de trouver ci-haut \[xz+yz+xy\]En soustrayant \(xy\) de chaque côté \[xz-xy+yz=0\]puis \(z^{2}\) \[xz-xy+yz-z^{2}=-z^{2}\]et en factorisant le membre de gauche\[x(z-y)-z(z-y)=-z^{2}\]on obtient\[(x-z)(z-y)=-z^{2}\]Enfin, en multipliant chaque côté par \(-1\) (qu’on insère dans le deuxième facteur à gauche), on obtient cette jolie équation \[(x-z)(y-z)=z^{2}\]On pose \[r=x-z,\ s=y-z\]ce qui fait\[rs=z^{2}\]Soit \(t\) le plus grand commun diviseur de \(r\) et \(s\). On divise par \(t^{2}\)\begin{align*}\frac{rs}{t^{2}}&=\frac{z^{2}}{t^{2}}\\ \\ \left(\frac{r}{t}\right)\left(\frac{s}{t}\right)&=\left(\frac{z}{t}\right)^{2}\end{align*}Cela nous assure que les deux facteurs de gauche sont premiers entre eux. Et comme leur produit est égal à un carré, chaque facteur doit lui-même être un carré. On pose \[\frac{r}{t}=u^{2}, \ \frac{s}{t}=v^{2}\]On insiste au passage que \(u^{2}\) et \(v^{2}\) sont des carrés premiers entre eux et cela implique que \(u\) et \(v\) sont eux aussi premiers entre eux. En remplaçant, on a\[u^{2}v^{2}=\frac{z^{2}}{t^{2}}\]ou de manière équivalente \[u^{2}v^{2}t^{2}=z^{2}\]de laquelle on tire\[uvt=z\]Comme, d’une part,\[r=tu^{2}\]et\[s=tv^{2}\]et, d’autre part, \[r=x-z\]et\[s=y-z\]on trouve, respectivement pour \(x\),\[x=r+z\]puis en remplaçant\begin{align*}x&=tu^{2}+uvt \\ \\ &=tu(u+v)\end{align*}et pour \(y\), \[y=s+z\]puis en remplaçant \begin{align*}y&=tv^{2}+uvt \\ \\ &=tv(u+v)\end{align*}Comme on cherche les solutions primitives, il suffit de diviser les trois expressions trouvées pour \(x\), \(y\) et \(z\) par leur facteur commun \(t\). Les triplets primitifs pour le cas où l’exposant est \(-1\) sont donc donnés par \[x=u(u+v), \ y=v(u+v), \ z=uv\]où \(u\) et \(v\) sont deux entiers strictement positifs premiers entre eux.

Le cas \(n=-2\)

En suivant partiellement Jean-Daniel Thérond [2], on a \[x^{-2}+y^{-2}=z^{-2}\]ce qui est équivalent à\[\frac{1}{x^{2}}+\frac{1}{y^{2}}=\frac{1}{z^{2}}\]En mettant sur dénominateur commun et en additionnant, on obtient \[\frac{x^{2}+y^{2}}{x^{2}y^{2}}=\frac{1}{z^{2}}\]puis en inversant\[\frac{x^{2}y^{2}}{x^{2}+y^{2}}=z^{2}\]On pose cette fois-ci \(t\) comme le plus grand commun diviseur de \(x\) et \(y\). On a donc pour un certain \(a\) et un certain \(b\) \[x=ta, \ y=tb\]ce qui fait\begin{align*}z^{2}&=\frac{(ta)^{2}(tb)^{2}}{(ta)^{2}+(tb)^{2}}\\ \\ &=\frac{t^{4}a^{2}b^{2}}{t^{2}\left(a^{2}+b^{2}\right)} \\ \\ &=\frac{t^{2}a^{2}b^{2}}{a^{2}+b^{2}}\end{align*}Or comme \(a\) et \(b\) sont premiers entre eux, on a que \[\text{pgcd}\left(a^{2}b^{2}, a^{2}+b^{2}\right)=1\]et ainsi le dénominateur doit donc diviser \(t^{2}\) car \(z^{2}\) est un entier. On a\[t^{2}=k(a^{2}+b^{2})\]pour un certain \(k\). Ainsi,\begin{align*}z^{2}&=\frac{t^{2}a^{2}b^{2}}{a^{2}+b^{2}} \\ \\ &=\frac{k\left(a^{2}+b^{2}\right)a^{2}b^{2}}{a^{2}+b^{2}} \\ \\ &=ka^{2}b^{2}\end{align*}et \(k\) est un carré ! On pose\[k=n^{2}\]et on remplace\[t^{2}=n^{2}\left(a^{2}+b^{2}\right)\]Cela nous assure que la somme entre parenthèses est bien un carré. En utilisant les résultats concernant les triplets pythagoriciens démontrés ci-haut, il nous est possible de poser \[a=2pq, \ b=p^{2}-q^{2}\]avec \(p\) et \(q\) deux entiers premiers entre eux et de parité opposée. L’égalité précédente devient donc\[t^{2}=n^{2}\left(p^{2}+q^{2}\right)^{2}\]qui nous donne \(t\)\[t=n\left(p^{2}+q^{2}\right)\]Finalement, puisqu’on avait au départ\[x=ta,\ y=tb\]en remplaçant \(t\), \(a\) et \(b\), on a \[x=2npq\left(p^{2}+q^{2}\right), \ y=n\left(p^{2}+q^{2}\right)\left(p^{2}-q^{2}\right)\]et pour \(z\) \[z=2npq\left(p^{2}-q^{2}\right)\]Comme on cherche les triplets primitifs, on divise les trois expressions par le facteur commun \(n\). Les triplets primitifs pour le cas où l’exposant est \(-2\) sont donc donnés par \[x=2pq\left(p^{2}+q^{2}\right), \ y=\left(p^{2}+q^{2}\right)\left(p^{2}-q^{2}\right), \ z=2pq\left(p^{2}-q^{2}\right)\]où \(p\) et \(q\) sont deux entiers strictement positifs avec \(p\) > \(q\) et \(p\) et \(q\) de paritié opposée.

[1] Frank Morgan, The College Mathematics Journal, Volume 41, Number 3, May 2010 , pp. 182-185(4)

[2] Jean-Daniel Thérond, L’enseignement Mathématique, Vol 14, 1968

 Autres références :

G. H. Hardy et E. M. Wright (2008 pour la 6ième édition), An Introduction to the Theory of Numbers

Richard Courant, Herbert Robins et Ian Stewart (1996 pour la 2ième édition), What is Mathematics ?