Multiplication de logarithmes

Chers lecteurs aguerris,

Vous pouvez passer au point 4 immédiatement. Les premiers points sont là sur ce blogue pour fin de complétude.

4. Le produit de logarithmes

Le résultat qui suit provient de la solution (erronée) mais néanmoins amusante au problème :

Que vaut l’expression suivante (sans tables et sans calculatrice):

\[\log_{13}\left(243\right)\log_{3}\left(169\right)\]

En posant\[a=\log_{13}\left(243\right),\quad b = \log_{3}\left(169\right)\]on peut passer à la forme exponentielle équivalente \[13^{a} = 243, \quad 3^{b} = 169\]soustraire respectivement \(243\) et \(169\) de chaque côté et faire la somme des deux équations \[13^{a}-243 = 0, \quad 3^{b}-169 = 0\] \[13^{a}-243 + 3^{b}-169 = 0\]On peut réarranger les termes\[13^{a}-169 + 3^{b}-243=0\]et là, certainement, on trouve les solutions « évidentes » \[a = 2, \quad b = 5\]c’est-à-dire qu’on peut répondre à la question \begin{align*}\log_{13}\left(243\right) \log_{3}\left(169\right)&= ab\\ \\ &=2\cdot 5 \\ \\ &=10\end{align*}La réponse au problème, \(10\), est bonne, mais la démarche est fausse : il est évident que \(a\) et \(b\) ne peuvent prendre respectivement les valeurs \(2\) et \(5\) car \[2 \neq \log_{13}\left(243\right)\]et \[5\neq \log_{3}\left(169\right)\]Pourtant le produit est bien \(10\) ! Hasard ? Oh! Je ne pense pas.

On considère le produit \[\log_{c}\left(x\right)\log_{d}\left(y\right)\]Avec la loi du changement de bases (voir point 3), \[\log_{c}\left(x\right)\log_{d}\left(y\right) = \frac{\log_{d}\left(x\right)}{\log_{d}\left(c\right)} \cdot \frac{\log_{c}\left(y\right)}{\log_{c}\left(d\right)}\]et quelques manipulations algébriques\begin{align*}\frac{\log_{d}\left(x\right)}{\log_{d}\left(c\right)} \cdot \frac{\log_{c}\left(y\right)}{\log_{c}\left(d\right)} &= \log_{d}\left(x\right)\log_{c}\left(y\right) \cdot \frac{1}{\log_{d}\left(c\right)\log_{c}\left(d\right)} \\ \\ &=\log_{d}\left(x\right)\log_{c}\left(y\right) \cdot \frac{1}{\log_{d}\left(c\right)\frac{\log_{d}\left(d\right)}{\log_{d}\left(c\right)}} \\ \\ &= \log_{d}\left(x\right)\log_{c}\left(y\right) \cdot \frac{1}{\log_{d}\left(c\right)\frac{1}{\log_{d}\left(c\right)}} \\ \\ &=\log_{d}\left(x\right)\log_{c}\left(y\right) \cdot \frac{1}{1} \\ \\ &= \log_{d}\left(x\right) \log_{c}\left(y\right) \end{align*}on trouve la jolie égalité suivante \[\log_{c}\left(x\right)\log_{d}\left(y\right) = \log_{d}\left(x\right)\log_{c}\left(y\right)\]Ainsi, on a effectivement \begin{align*}\log_{13}\left(243\right)\log_{3}\left(169\right) &= \log_{3}\left(243\right)\log_{13}\left(169\right) \\ \\ &= 5 \cdot 2 \\ \\ &= 10\end{align*}Dans son livre, Edward J. Barbeau [1] fait remarquer que la courbe strictement décroissante et concave d’équation \[13^{x} + 3^{y} = 412\] intercepte l’hyperbole équilatère d’équation\[xy=10\]en deux endroits : \(\left(2, \ 5\right)\) et \(\big(\log_{13}\left(243\right), \ \log_{3}\left(169\right)\big) \).thedudeminds_2014031301.jpg (1)

Merci TI Nspire CAS pour le joli implicitplot.

1. Le logarithme d’un produit

En partant de la définition,\[c^{\log_{c}\left(x\right)}=x\]on considère, d’une part, le produit \(xy\)\[x \cdot y = c^{\log_c\left(x\right)} \cdot c^{\log_{c}\left(y\right)}\]Avec un produit de deux puissances de même base, on additionne les exposants. \[x \cdot y = c^{\log_{c}\left(x\right) + \log_c\left(y\right)}\]D’autre part, toujours en partant de la définition du logarithme, on considère \[x \cdot y = c^{\log_{c}\left(x \cdot y\right)}\]Ainsi, on trouve\[c^{\log_{c}\left(x\cdot y\right)} = c^{\log_{c}\left(x\right)+\log_{c}\left(y\right)}\]et comme les bases sont égales, les exposants sont égaux ! On a donc \[\log_{c}\left(x \cdot y\right) = \log_{c}\left(x\right) + \log_{c}\left(y\right)\]On procède de la même manière pour le logarithme d’un quotient. On obtient dans ce cas-ci \[\log_{c}\left(\frac{x}{y}\right) = \log_{c}\left(x\right)-\log_{c}\left(y\right)\]

2. Le logarithme d’une puissance

En partant de la définition, on considère, d’une part, la puissance \[a^{x} = \left(c^{\log_{c}\left(a\right)}\right)^{x}\]Avec une puissance elle-même affectée d’un exposant, on multiplie les exposants\[a^{x}= c^{x\cdot \log_{c}\left(a\right)}\]D’autre part, toujours en partant de la définition du logarithme, on considère \[a^{x} = c^{\log_{c}\left(a^{x}\right)}\]Ainsi, on trouve \[c^{\log_{c}\left(a^{x}\right)} = c^{x\cdot \log_{c}\left(a\right)}\]et comme les bases sont égales, les exposants sont égaux ! On a donc \[\log_{c}\left(a^{x}\right) = x \cdot \log_{c}\left(a\right)\]

3. La loi du changement de bases

En partant de la définition, on considère les expressions suivantes \[c^{\log_{c}\left(x\right)}=x\]et \[d^{\log_{d}\left(x\right)} = x\]On substitut \(x\), dans la deuxième expression, à gauche, par l’expression qui lui est égale dans la première. \[d^{\log_{d}\left(c^{\log_{c}\left(x\right)}\right)}=x\]
En utilisant le résultat sur le logarithme d’une puissance, on réécrit l’expression précédente comme\[d^{\log_{c}\left(x\right)\cdot\log_{d}\left(c\right)} = x\]Mais comme on avait aussi précédemment\[d^{\log_{d}\left(x\right)} = x\]on trouve \[d^{\log_{c}\left(x\right)\cdot \log_{d}\left(c\right)} = d^{\log_{d}\left(x\right)}\]
et comme les bases sont égales, les exposants sont égaux ! \[\log_{c}\left(x\right) \cdot \log_{d}\left(c\right) = \log_{d}\left(x\right)\]En divisant chaque côté par \(\log_{d}\left(c\right)\), on obtient \[\log_{c}\left(x\right) = \frac{\log_{d}\left(x\right)}{\log_{d}\left(c\right)}\]On note qu’en divisant, si \(c \neq 1\), alors \(\log_{d}\left(c\right) \neq 0\).

Références : [1] Barbeau,Edward J. (2000), Mathematical Fallacies, Flaws, and Flimflam

Freiling, Chris, The Change of Base Formula for Logarithms, College Mathematics Journal 17 (1986), p413

L’aire d’un octogone régulier… en deuxième secondaire

Il faut parfois faire attention de ne pas sauter trop rapidement aux conclusions. Trop habitués aux exercices prévisibles des manuels et cahiers, il peut parfois être déroutant de tomber sur quelque chose de rafraîchissant (au fait, ça en dit long sur les exercices qu’on présente aux élèves).

À l’aide aux devoirs la semaine passée :

Trouver l’aire d’un octogone régulier de côté \(1\).

thedudeminds_2014021401

Le hic, c’est que la question est posée en deuxième secondaire. La réponse d’un de mes collègues (et la mienne de prime abord, je dois l’avouer) : hummm, il doit y avoir une erreur… c’est un problème de quatrième secondaire, tu as besoin de la trigonométrie (tangente) pour y arriver. En plus, tu n’as pas vu la relation de Pythagore… impossible à faire !thedudeminds_2014021402

En effet, en utilisant la tangente pour trouver la mesure de l’apothème, c’est facile. Comment faire autrement, avec pour seuls concepts ceux vus en deuxième secondaire ? Ah ! Mais en utilisant un peu de symétrie, on peut se concentrer sur le quart de la figure.thedudeminds_2014021403
thedudeminds_2014021404On peut compléter la figure pour obtenir un carré. Il suffirait de soustraire l’aire du triangle rectangle blanc au grand carré. Les angles intérieurs et extérieurs sont au programme du premier cycle. L’angle extérieur d’un octogone régulier étant \(45^{\circ}\), ce triangle blanc est un triangle rectangle isocèle (on aurait pu aussi réfléchir davantage à la symétrie de la figure au lieu de passer par les angles extérieurs).thedudeminds_2014021405

Comment trouver les dimensions du triangle (sans Pythagore) ? On construit un carré en effectuant la réflexion du triangle. Le carré étant un losange, et l’aire des figures étant au programme de deuxième secondaire, on calcule l’aire du carré avec ses diagonales : \[A_{\text{carré}} = \frac{1\times 1}{2} = \frac{1}{2}\]et la mesure du son côté \begin{align*}c^{2}&= \frac{1}{2} \\ \\ \\ c &= \sqrt{\frac{1}{2}} \\ \\ &= \frac{\sqrt{2}}{2}\end{align*}(en deuxième secondaire on utilise la calculatrice ici et on termine avec des valeurs approximatives.) L’aire du grand carré est donc : \[\left(\frac{1+\sqrt{2}}{2}\right)^{2} = \frac{3+2\sqrt{2}}{4}\]On soustrait l’aire du triangle (la moitié de l’aire du carré, c’est-à-dire \(\frac{1}{4}\)) \begin{align*}\frac{3+2\sqrt{2}}{4}-\frac{1}{4} &= \frac{2+2\sqrt{2}}{4} \\ \\ &= \frac{1 + \sqrt{2}}{2}\end{align*}et on multiplie par \(4\) pour obtenir l’aire de l’octogone complet \[\frac{1+\sqrt{2}}{2} \times 4 = 2 + 2\sqrt{2}\]Et voilà !

Veritasium

Derek Muller fait des vidéos extraordinaires qui traitent de sujets scientifiques. Il y a peu de domaines dans lesquels autant de fausses conceptions sont répandues et véhiculées : Derek s’y attaque directement d’une manière fort habile. Il ne fait pas des vidéos qui simplement se contentent d’expliquer les concepts : il s’attaque aux fausses conceptions en les exposant au grand jour et en les démolissant pièce par pièce.

Dans les épisodes sur la gravité :

Veritasium : Pourquoi la Lune tourne-t-elle autour de la Terre ?

Le gars : À cause de l’attraction gravitationnelle… la Terre attire la Lune et même la Lune attire la Terre, ils s’attirent et c’est pour cela que la Lune tourne autour de la Terre

[… dix minutes plus tard et plusieurs questions ensuite …]

– Ok, maintenant, pourquoi les astronautes flottent-ils dans la navette spatiale ?

– Parce qu’ils sont dans l’espace, loin de la surface de la Terre : il n’y a donc plus d’attraction gravitationnelle, ils ne ressentent plus les effets de la gravi… [Là il se rend compte de ce qu’il est en train de dire] Hummm… il y a dix minutes, tu m’as fait dire que la Terre attire la Lune, cette Lune qui est à 380 000 km de la Terre et là maintenant je suis en train de te dire que les astronautes, à 400 km de la surface, ne ressentent plus les effets de la gravité ? Oh.

N’est-ce pas là un moment extraordinaire de situation d’apprentissage ? Ça me donne des frissons.

La dernière vidéo concerne la démarche scientifique et s’attaque à notre infatigable propension à vouloir nous rassurer dans ce qu’on croit être vrai. Le contexte est mathématique. C’est formidable. Bon visionnage.