La route scénique

On cherche les valeurs du sinus et du cosinus pour les angles suivants : \(\frac{2\pi}{5}\), \(\frac{4\pi}{5}\), \(\frac{6\pi}{5}\) et \(\frac{8\pi}{5}\).

Dans le cercle trigonométrique, ces points correspondent aux sommets d’un pentagone régulier inscrit. Dans le plan complexe, les sommets de ce pentagone inscrit dans le cercle d’équation \[z\bar{z} = 1\]correspondent aux solutions de l’équation \[z^{5}-1=0\]c’est-à-dire aux racines cinquièmes de l’unité. L’une de ces racines est évidemment \(1\). En effectuant la longue division par \(z-1\), on peut vérifier que \[(z-1)(z^{4}+z^{3}+z^{2}+z+1)=0\]ou, si \(z \neq 1\), \[z^{4} + z^{3}+z^{2}+z+1=0\]Il faut donc résoudre cette équation quartique. Mince affaire ! Heureusement, on peut ici appliquer un petit truc. Si \(z \neq 0\), on divise par \(z^{2}\) \[z^{2}+z^{1}+1+\frac{1}{z^{1}}+ \frac{1}{z^{2}}=0\]et on réarrange les termes \[z^{2}+\frac{1}{z^{2}}+z+\frac{1}{z}+1=0\]En remarquant que \[\left(z + \frac{1}{z}\right)^{2}= z^{2}+\frac{1}{z^{2}}+2\]l’équation précédente devient \begin{align*} z^{2}+\frac{1}{z^{2}}+z+\frac{1}{z}+1&=0 \\ \\ z^{2}+\frac{1}{z^{2}}+2 + z + \frac{1}{z}+1-2 &=0 \\ \\ \left(z + \frac{1}{z}\right)^{2} + \left(z + \frac{1}{z}\right)-1 &=0\end{align*}une équation du deuxième degré en \(\left(z + \frac{1}{z}\right)\) ! En utilisant la formule quadratique, on trouve que les solutions sont\[z + \frac{1}{z} = \frac{-1+\sqrt{5}}{2}\]et \[z+\frac{1}{z} = \frac{-1-\sqrt{5}}{2}\]ce qui fait en multipliant par \(z\) de chaque côté\[z^{2} +1 = \left(\frac{-1+\sqrt{5}}{2}\right)z\] et \[z^{2}+1=\left(\frac{-1-\sqrt{5}}{2}\right)z\]puis en regroupant les termes du même côté \[z^{2}+\left(\frac{1-\sqrt{5}}{2}\right)z + 1 = 0\]et \[z^{2}+\left(\frac{1+\sqrt{5}}{2}\right)z + 1 = 0\]Deux autres équations quadratiques ! En utilisant la formule quadratique, on trouve que les solutions de la première sont \[z = \left(\frac{1}{2(1)}\right)\left(\frac{-1+\sqrt{5}}{2}\pm\sqrt{\left(\frac{1-\sqrt{5}}{2}\right)^{2}-4(1)(1)}\right)\]ou en simplifiant un peu \[z = \frac{-1+\sqrt{5}}{4}\pm\sqrt{\frac{-5-\sqrt{5}}{8}}\]Or comme \[-5-\sqrt{5}<0\]on obtient \[z = \frac{-1+\sqrt{5}}{4}\pm\left(\sqrt{\frac{5+\sqrt{5}}{8}}\right)i\]

De la même manière, on trouve les solutions de la deuxième équation \[z = \left(\frac{1}{2(1)}\right)\left(\frac{-1-\sqrt{5}}{2}\pm\sqrt{\left(\frac{1+\sqrt{5}}{2}\right)^{2}-4(1)(1)}\right)\]ou en simplifiant un peu \[z = \frac{-1-\sqrt{5}}{4}\pm\sqrt{\frac{-5+\sqrt{5}}{8}}\]Et comme encore une fois \[-5+\sqrt{5}<0\]on obtient \[z = \frac{-1-\sqrt{5}}{4}\pm\left(\sqrt{\frac{5-\sqrt{5}}{8}}\right)i\]

Avec le premier couple de solutions, \[z = \frac{-1+\sqrt{5}}{4}\pm\left(\sqrt{\frac{5+\sqrt{5}}{8}}\right)i\]on remarque que \[\frac{-1+\sqrt{5}}{4}>0\]et \[\pm\sqrt{\frac{5+\sqrt{5}}{8}} \; \mathrel{\substack{>\\<}} \; 0\]et donc on déduit que \begin{align*}\cos\left(\frac{2\pi}{5}\right) &= \frac{-1+\sqrt{5}}{4} \\ \\ \sin\left(\frac{2\pi}{5}\right) &= \sqrt{\frac{5+\sqrt{5}}{8}}\end{align*}et \begin{align*}\cos\left(\frac{8\pi}{5}\right) &= \frac{-1+\sqrt{5}}{4} \\ \\ \sin\left(\frac{8\pi}{5}\right)&=-\sqrt{\frac{5+\sqrt{5}}{8}}\end{align*}Avec le deuxième couple de solutions, \[z = \frac{-1-\sqrt{5}}{4}\pm\left(\sqrt{\frac{5-\sqrt{5}}{8}}\right)i\]cette fois-ci on constate que \[\frac{-1-\sqrt{5}}{4}<0\]et que \[\pm\sqrt{\frac{5-\sqrt{5}}{8}}\; \mathrel{\substack{>\\<}} \; 0\]et cela nous permet d’obtenir \begin{align*}\cos\left(\frac{4\pi}{5}\right)&=\frac{-1-\sqrt{5}}{4} \\ \\ \sin\left(\frac{4\pi}{5}\right)&=\sqrt{\frac{5-\sqrt{5}}{8}}\end{align*}et \begin{align*}\cos\left(\frac{6\pi}{5}\right)&=\frac{-1-\sqrt{5}}{4} \\ \\ \sin\left(\frac{6\pi}{5}\right)&=-\sqrt{\frac{5-\sqrt{5}}{8}}\end{align*}On aurait pu avoir recours aux formules pour les angles doubles en utilisant au départ les valeurs du sinus et du cosinus de π/5 mais cette avenue ne nous aurait pas donner le loisir de résoudre une équation quartique dans \(\mathbb{C}\) !

Référence : R. Courant, H. Robbins et I. Stewart (1996), What is mathematics ?

Le coloré Sir William Thomson

Voici une courte anecdote de Lord Kelvin, professeur.

Once when lecturing he used the word “mathematician,” and then interrupting himself asked his class: “Do you know what a mathematician is?” Stepping to the blackboard he wrote upon it :

Then, putting his finger on what he had written, he turned to his class and said: “A mathematician is one to whom that is as obvious as that twice two makes four is to you. Liouville was a mathematician.” Then he resumed his lecture.

S. P. Thompson, The Life of William Thomson, Baron Kelvin of Largs, p. 1139

De l’infinité des réels…

Voici une petite contradiction classique concernant la dénombrabilité des réels. Comme le mentionne Dominik dans les commentaires, cela fait changement de la diagonale de Cantor.

On considère l’infinité des nombres réels situés entre \(0\) et \(1\). Supposons que l’on puisse les répertorier et les mettre sur une liste (elle-même infinie), c’est-à-dire les dénombrer… \[a_{0}, a_{1}, a_{2}, a_{3}, a_{4}, \ \dots\]Sur la droite réelle, on décide de recouvrir \(a_{0}\) d’un segment de longueur \(\frac{1}{3}\). On recouvre ensuite \(a_{1}\) d’un segment de longueur \(\frac{1}{3^{2}} = \frac{1}{9}\). Puis on recouvre \(a_{2}\) d’un segment de longueur \(\frac{1}{3^{3}} = \frac{1}{27}\). En général, on recouvre le \(a_{n}\) point d’un segment de longueur \[\frac{1}{3^{n+1}}\]Et on continue de recouvrir de la sorte tous les points entre \(0\) et \(1\). Il y aura fort probablement des « recouvrements » entre les segments mêmes mais cela ne pose aucun problème. Il est aussi possible que des parties de certains de ces segments se retrouvent à l’extérieur de l’intervalle et cela non plus ne cause aucun problème.

En outre, le segment entre \(0\) et \(1\) (au complet et même possiblement un peu plus) sera donc recouvert.

Les cinq premiers nombres réels (par exemple) de notre longue liste et les segments qui les recouvrent.

Quelle est la longueur totale de ces segments mis bout à bout ? La longueur totale correspond à la série géométrique de raison \(\frac{1}{3}\) suivante \begin{align*}\frac{1}{3}+\frac{1}{9}+\frac{1}{27}+\frac{1}{81}+\frac{1}{243} + \ \dots \ &= \sum_{i=0}^{\infty}\frac{1}{3^{i+1}}\\ \\ &=\frac{1}{3}\sum_{i=0}^{\infty}\frac{1}{3^{i}} \\ \\ &=\frac{1}{3}\left(\frac{1}{1-\frac{1}{3}}\right) \\ \\ &=\frac{1}{3}\left(\frac{1}{\frac{2}{3}}\right) \\ \\ &=\frac{1}{3}\left(\frac{3}{2}\right) \\ \\ &=\frac{1}{2}\end{align*}La longueur totale est égale à \(\frac{1}{2}\) ! Est-il donc possible de recouvrir complètement le segment \([0, 1]\) de segments dont la longueur totale n’est que de \(\frac{1}{2}\) ? L’hypothèse de départ, à savoir qu’il est possible de répertorier et faire une liste de tous les réels compris entre \(0\) et \(1\) est fausse ! Il est donc impossible de dénombrer les nombres réels.

Il est cependant possible de recouvrir de la sorte (sans contradiction) un ensemble dénombrable. La longueur des segments peut être choisie arbitrairement petite et incidemment la somme de ces longueurs, la série géométrique, peut être choisie comme arbitrairement petite. Les mathématiciens disent qu’un ensemble dénombrable a une mesure nulle.