La distance d’un point à une droite dans le plan

Parmi les quelques notions évacuées dans le nouveau programme de quatrième secondaire, on retrouve la formule de la distance entre un point et une droite. Cela me semble bienvenu puisque je ne connaissais pas beaucoup d’enseignants prêts à en fournir une démonstration en classe, et encore moins d’élèves pour la suivre. En voici une.

Considérons la droite \[D_{1}\ : \ Ax + By + C = 0 \]et le point \[P(x_{1}, \, y_{1})\](hors de la droite) dans le plan (ici, habituellement, \(A\), \(B\) et \(C\) sont des entiers et \(A\) est positif).

On cherche la distance entre le point et la droite. Cette distance est la mesure du segment perpendiculaire à la droite \(D_{1}\) passant par \(P\). Traçons donc la droite \(D_{2}\), perpendiculaire à la droite \(D_{1}\) et passant par \(P\), sécante en \(T\), telle que

On peut d’abord transformer l’équation générale de \(D_{1}\) et trouver son équation fonctionnelle (si \(B\) n’est pas nul). On a d’abord \[-By = Ax + C\]puis en divisant par \(-B\) [1]\[y = -\frac{A}{B}x-\frac{C}{B}\]Si la pente de cette droite est \(-\frac{A}{B}\) alors la pente de \(D_{2}\), perpendiculaire, sera donc l’opposé de l’inverse de la pente de \(D_{1}\), soit \(\frac{B}{A}\) et son équation sera de la forme \[y = \frac{B}{A}x + b\]On peut trouver l’ordonnée à l’origine \(b\) en remplaçant \(x\) et \(y\) par les coordonnées de \(P\) \[y_{1}=\frac{B}{A}x_{1}+b\]et en isolant \(b\) \[y_{1}-\frac{B}{A}x_{1}=b\]ce qui nous permet d’obtenir la forme fonctionnelle de \(D_{2}\) \[y = \frac{B}{A}x + \left(y_{1}-\frac{B}{A}x_{1}\right)\]Il nous est donc possible de comparer les équations sous forme fonctionnelle des deux droites afin de résoudre le système d’équations. Nous obtiendrons de cette façon les coordonnées du point \(T\). \[-\frac{A}{B}x-\frac{C}{B}=\frac{B}{A}x+y_{1}-\frac{B}{A}x_{1}\]Avant quoi que ce soit, cherchons le dénominateur commun \(AB\) \[-\frac{A^{2}}{AB}x-\frac{AC}{AB}=\frac{B^{2}}{AB}x + \frac{ABy_{1}}{AB}-\frac{B^{2}}{AB}x_{1}\]afin d’obtenir \[-A^{2}x-AC=B^{2}x+ABy_{1}-B^{2}x_{1}\]On regroupe par la suite les termes en x d’un côté \[A^{2}x+B^{2}x=B^{2}x_{1}-ABy_{1}-AC\]La mise en évidence de x nous donne \[x\left(A^{2}+B^{2}\right) = B^{2}x_{1}-ABy_{1}-AC\]et donc \[x = \frac{B^{2}x_{1}-ABy_{1}-AC}{A^{2}+B^{2}}\]C’est l’abscisse du point \(T\). Pour trouver l’ordonnée, il faut remplacer cette valeur dans l’une ou l’autre des équations. En choisissant celle de \(D_{1}\) \[y = -\frac{A}{B}x-\frac{C}{B}\]on obtient \[y = -\frac{A}{B}\left(\frac{B^{2}x_{1}-ABy_{1}-AC}{A^{2}+B^{2}}\right)-\frac{C}{B}\]ce qui donne \[y = \frac{-AB^{2}x_{1}+A^{2}By_{1}+A^{2}C}{B\left(A^{2}+B^{2}\right)}-\frac{C}{B}\]puis en mettant sur dénominateur commun \[y = \frac{-AB^{2}x_{1}+A^{2}By_{1}+A^{2}C}{B\left(A^{2}+B^{2}\right)}-\frac{C\left(A^{2}+B^{2}\right)}{B\left(A^{2}+B^{2}\right)}\]et donc \[y = \frac{-AB^{2}x_{1}+A^{2}By_{1}+A^{2}C}{B\left(A^{2}+B^{2}\right)}-\frac{A^{2}C+B^{2}C}{B\left(A^{2}+B^{2}\right)}\]En effectuant la soustraction on obtient \[y = \frac{-AB^{2}x_{1}+A^{2}By_{1}+A^{2}C-A^{2}C-B^{2}C}{B\left(A^{2}+B^{2}\right)}\]puis après simplification de deux des termes \[y = \frac{-AB^{2}x_{1}+A^{2}By_{1}-B^{2}C}{B\left(A^{2}+B^{2}\right)}\]et enfin après la simplification du facteur \(B\) \[y = \frac{-ABx_{1}+A^{2}y_{1}-BC}{A^{2}+B^{2}}\]Les coordonnées de \(T\) sont donc \[\left(\frac{B^{2}x_{1}-ABy_{1}-AC}{A^{2}+B^{2}}, \ \frac{-ABx_{1}+A^{2}y_{1}-BC}{A^{2}+B^{2}}\right)\]Pas simple ! Et cela ne semble pas s’améliorer d’un poil lorsqu’on considère la distance entre \(P\) et \(T\), donnée par \[d(P,\, T) = \sqrt{\left(x_{1}-\frac{B^{2}x_{1}-ABy_{1}-AC}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}+ \left(y_{1}-\frac{-ABx_{1}+A^{2}y_{1}-BC}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}}\]En exprimant les termes dans les parenthèses sous dénominateur commun on obtient \[d(P, \, T) = \sqrt{\left(\frac{x_{1}\left(A^{2}+B^{2}\right)}{A^{2}+B^{2}}-\frac{B^{2}x_{1}-ABy_{1}-AC}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2} + \left(\frac{y_{1}\left(A^{2}+B^{2}\right)}{A^{2}+B^{2}}-\frac{-ABx_{1}+A^{2}y_{1}-BC}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}}\]ce qui fait après distribution \[d(P, \, T) = \sqrt{\left(\frac{A^{2}x_{1}+B^{2}x_{1}}{A^{2}+B^{2}}-\frac{B^{2}x_{1}-ABy_{1}-AC}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}+\left(\frac{A^{2}y_{1}+B^{2}y_{1}}{A^{2}+B^{2}}-\frac{-ABx_{1}+A^{2}y_{1}-BC}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}}\]et puis, en effectuant les soustractions \[d(P,\, T) = \sqrt{\left(\frac{A^{2}x_{1}+B^{2}x_{1}-B^{2}x_{1}+ABy_{1}+AC}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}+\left(\frac{A^{2}y_{1}+B^{2}y_{1}+ABx_{1}-A^{2}y_{1}+BC}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}}\]Après une petite simplification de deux termes \[d(P,\, T) = \sqrt{\left(\frac{A^{2}x_{1}+ABy_{1}+AC}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}+\left(\frac{B^{2}y_{1}+ABx_{1}+BC}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}}\]on effectue une double mise en évidence \[d(P, \, T) = \sqrt{\left(\frac{A\left(Ax_{1}+By_{1}+C\right)}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}+\left(\frac{B\left(By_{1}+Ax_{1}+C\right)}{A^{2}+B^{2}}\right)^{2}}\]Une propriété des exposants nous permet d’écrire la dernière expression comme ceci \[d(P, \, T) = \sqrt{\frac{A^{2}\left(Ax_{1}+By_{1}+C\right)^{2}}{\left(A^{2}+B^{2}\right)^{2}}+\frac{B^{2}\left(By_{1}+Ax_{1}+C\right)^{2}}{\left(A^{2}+B^{2}\right)^{2}}}\]Et en effectuant l’addition, on trouve \[d(P,\, T) = \sqrt{\frac{A^{2}\left(Ax_{1}+By_{1}+C\right)^{2}+ B^{2}\left(By_{1}+Ax_{1}+C\right)^{2}}{\left(A^{2}+B^{2}\right)^{2}}}\]Il ne reste qu’à compléter la mise en évidence double \[d(P, \, T) = \sqrt{\frac{\left(Ax_{1}+By_{1}+C\right)^{2}\left(A^{2}+B^{2}\right)}{\left(A^{2}+B^{2}\right)^{2}}}\]et à simplifier \[d(P, \, T) = \sqrt{\frac{\left(Ax_{1}+By_{1}+C\right)^{2}}{A^{2}+B^{2}}}\]Une propriété des racines nous permet d’écrire l’expression précédente comme \[d(P,\, T) = \frac{\sqrt{\left(Ax_{1}+By_{1}+C\right)^{2}}}{\sqrt{A^{2}+B^{2}}}\]ce qui est équivalent à \[d(P, \, T) = \frac{\left| Ax_{1}+By_{1}+C\right|}{\sqrt{A^{2}+B^{2}}}\]Cela nous permet d’écrire enfin \[d(P, \, D_{1}) = \frac{\left|Ax_{1}+By_{1}+C\right|}{\sqrt{A^{2}+B^{2}}}\]Voilà !

[1] Cela implique que \(B \neq 0\). Si \(B=0\), la droite est verticale. Son équation est \[Ax + 0\cdot y + C = 0\]ce qui fait \[Ax + C=0\] et donc \[x = -\frac{A}{C}\]Dans ce cas, la distance entre \(P(x_{0}, \, y_{0})\) et la droite \[D_{1}\ : \ Ax + C = 0\] correspond à l’écart entre les abscisses. Il suffit de constater que la formule fonctionne (en se rappelant que \(A\) est positif)\begin{align*}d(P, D_{1}) &= \frac{\left|Ax_{1}+0\cdot y_{1}+C\right|}{\sqrt{A^{2}+0^{2}}} \\ \\ &=\frac{\left|Ax_{1}+C\right|}{\sqrt{A^{2}}} \\ \\ &= \frac{\left|Ax_{0}+C\right| }{A} \\ \\ &= \left|\frac{Ax_{0}}{A}+\frac{C}{A}\right| \\ \\ &=\left|x_{0}+\frac{C}{A}\right| \\ \\ &= \left|x_{0}-\left(-\frac{C}{A}\right)\right|\end{align*}ce qui est bien l’écart entre les abscisses.

L’astroïde comme enveloppe

Je trouve que ces définitions comme enveloppe de courbes bien connues nous proposent des constructions spectaculaires.

L’astroïde est une hypocycloïde à quatre rebroussements. La voici comme enveloppe du segment de longueur fixe qui glisse sur les axes des x et des y.

Et voici l’astroïde comme enveloppe d’ellipses dans lesquelles la somme du demi-grand axe et du demi-petit axe est constante.

Les triplets pythagoriciens (mise à jour)

Les triplets pythagoriciens offrent de belles situations de conjectures et de preuves à faire avec les élèves. Et cela peut se faire avec une table de seulement quelques triplets de Pythagore.

Conjecture :

Dans \[a^{2}+b^{2}=c^{2}\]il y a toujours au moins un des trois nombres, \(a\), \(b\) ou \(c\) qui est pair.

Preuve : Supposons que les trois nombres soient impairs, et exprimons-les de telle façon :

\[a = 2x + 1, \ \ b = 2y + 1, \ \ c = 2z + 1\]avec \[x, \ y, \ z \in \mathbb{Z}\]
L’équation \[a^{2}+ b^{2}=c^{2}\]devient \[(2x+1)^{2} + (2y + 1)^{2}=(2z + 1)^{2}\]En développant on obtient \[(4x^{2}+4x + 1)+(4y^{2}+4y+1) = 4z^{2}+4z+1\]Plaçons ensuite les variables à gauche et les termes constants à droite \[4x^{2}+4y^{2}+4x+4y-4z^{2}-4z=-1\]Ajoutons \(4\) de chaque côté pour obtenir \[4x^{2}+ 4y^{2}+4x+4y-4z^{2}-4z+4 = 3\]Et finalement effectuons la mise en évidence de \(4\) à gauche \[4\left(x^{2}+y^{2}+x+y-z^{2}-z+1\right) = 3\]Et là nous obtenons une contradiction puisque \(4\) n’est évidemment pas un diviseur de \(3\).

Note : on peut aussi montrer que c’est \(a\) ou \(b\) (ou les deux) qui doit toujours être pair.

En effet, si on suppose que \(c\) est pair et que \[c = 2z\]mais que \(a\) et \(b\) soient encore impairs et donc que \[a = 2x + 1\]et \[b = 2y+1\]toujours avec \[x, \ y, \ z \in \mathbb{Z}\]On obtient \[(2x + 1)^{2}+(2y+1)^{2}= (2z)^{2}\]et en développant \[4x^{2}+4x + 1 + 4y^{2}+4y + 1 = 4z^{2}\]En regroupant les termes semblables on obtient \[4x^{2}+4y^{2} + 4x + 4y + 2 = 4z^{2}\]On place maintenant les termes constants à droite et les autres termes à gauche \[4x^{2}+4y^{2}+4x+4y-4z^{2}=-2\]et enfin on ajoute \(4\) de chaque côté \[4x^{2}+4y^{2}+4x+4y-4z^{2}+4 = 2\]La mise en évidence simple de \(4\) à gauche \[4\left(x^{2}+y^{2}+x+y-z^{2}+1\right)=2\]nous amène à la contradiction recherchée : \(4\) n’est pas un facteur de \(2\) ! Il faut donc que, si tous les trois ne sont pas pairs, soit \(a\) ou \(b\) soit pair (et les deux autres impairs).

Conjecture :

Dans \[a^{2}+b^{2}=c^{2}\]au moins un des deux nombres, \(a\) ou \(b\), est divisible par \(3\).

Preuve : Tout nombre entier peut s’exprimer comme \[3n,\] \[3n+1\]ou \[3n + 2\]avec \[n \in \mathbb{Z}\]Supposons que ni \(a\), ni \(b\) ne soient divisibles par \(3\). À une permutation près, nous avons trois possibilités. \(a\) et \(b\) sont de la même forme : \[a=3x+1, \ \ b=3y+1\]ou \[a = 3x + 2, \ \ b =3y+2\]ou alors \(a\) et \(b\) ne sont pas de la même forme, par exemple \[a = 3x + 1, \ \ b = 3y + 2\]avec \[x, \ y \in \mathbb{Z}\]Dans le premier cas on obtient \[(3x + 1)^{2}+(3y + 1)^{2}\]ce qui fait lorsqu’on développe \[9x^{2}+6x+1+9y^{2}+6y+1\]et donc \[9x^{2}+9y^{2}+6x+6y+2\]Tous les termes sauf le dernier sont divisibles par \(3\). Le reste de la division de \(2\) par \(3\) est \(2\). Dans le deuxième cas on obtient \[(3x+2)^{2}+(3y+2)^{2}\]ce qui fait lorsqu’on développe \[9x^{2}+6x+4+9y^{2}+6y+4\]et donc \[9x^{2}+9y^{2}+6x+6y+8\]Encore une fois, tous les termes sauf le dernier, \(8\), sont divisibles par \(3\). Le reste de la division de \(8\) par \(3\) est \(2\). Enfin, dans le troisième et dernier cas on obtient \[(3x+1)^{2}+(3y+2)^{2}\]ce qui fait lorsqu’on développe \[9x^{2}+6x+1+9y^{2}+6y+4\]et donc \[9x^{2}+9y^{2}+6x+6y+5\]Tous les termes sont divisibles par trois, sauf le dernier, \(5\). Le reste de la division de \(5\) par \(3\) est \(2\).

C’est donc dire que si \(a\) et \(b\) ne sont pas divisibles par \(3\), le reste de la division de \[a^{2}+b^{2}\]par \(3\) sera toujours \(2\) ! C’est embêtant puisque \(c\) est soit de la forme\[3z\]ce qui fait, lorsqu’on l’élève au carré \[9z^{2}\]un nombre divisible par \(3\) (autrement dit, sans reste). Sinon, \(c\) est de la forme \[3z+1\]ce qui fait, lorsqu’on l’élève au carré \[9z^{2}+6z+1\]Les deux premiers termes sont divisibles par \(3\), mais pas le dernier : le reste de la division de \(1\) par \(3\) est \(1\). On a donc un reste de \(1\).  Enfin, si \(c\) est de la forme \[3z+2\]on a, lorsqu’on l’élève au carré,\[9z^{2}+6z+4\]on obtient une expression dans laquelle les deux premiers termes sont divisibles par \(3\), mais pas le dernier : le reste de la division de \(4\) par \(3\) est \(1\). On a donc encore un reste de \(1\).

C’est donc dire que les seuls restes possibles d’une division de \(c^{2}\) par \(3\) sont \(0\) ou \(1\), ce qui est en contradiction avec le résultats précédent : que le reste de la division de \(a^{2}+b^{2}\) par \(3\) est \(2\) ! Conclusion : au moins \(a\) ou \(b\) doit être divisible par \(3\).

Note : On peut aussi montrer de la même manière qu’au moins un des trois nombres doit être divisible par \(5\). On peut aussi montrer qu’au moins \(a\) ou \(b\) est divisible par \(4\).